Il sollicitait des faveurs sexuelles
Cinq femmes disent que le photographe Anthony Turano insistait pour obtenir du sexe en échange de photos
Dans la foulée de la vague de dénonciations #MoiAussi, cinq femmes ont confié au Journaldemontréal.com avoir été agressées ou harcelées sexuellement par le réputé photographe de mode montréalais Anthony Turano. Une d’entre elles a porté plainte à la police.
On apprenait à la fin octobre que le photographe de mode Maxime Comtois, alias Monsieur Coms, faisait l’objet de plaintes criminelles pour agression sexuelle. Au même moment, des dizaines de publications reprochant des inconduites sexuelles à Anthony Turano ont déferlé sur les réseaux sociaux.
Dans des messages textes et sur Facebook que nous avons pu consulter, des mannequins se sont vu proposer, implicitement, mais avec insistance, des relations sexuelles en échange de photos.
Après avoir convenu d’une date de séance photo, le photographe refusait carrément de travailler avec ces mannequins si elles refusaient ses avances, affirment les femmes interrogées.
Parmi les femmes qui ont accepté de témoigner, deux l’ont fait à visage décou- vert. La première est Marianne Trudel, une mannequin avec 20 ans d’expérience, qui a porté plainte à la police pour harcèlement sexuel à la fin octobre.
« J’ai contacté Anthony sur Facebook en 2016, pour lui dire que j’adorais son travail et que je voulais collaborer avec lui pour faire mon book [portfolio annuel] », rapporte Mme Trudel.
DU SEXE POUR DES PHOTOS
Le photographe rencontrait le modèle dans un café quelques jours plus tard pour discuter des modalités du projet.
« Tout allait bien, il était très professionnel et j’étais bien excitée par tout ça. Quelques jours avant la séance, ç’a viré inconfortable. Il m’a envoyé un message pour dire qu’il y avait un problème par rapport au shoot : il était attiré par moi. »
Marianne Trudel était surprise, mais n’y voyait rien de trop déplacé. « Il y a du flirt innocent tout le temps dans l’industrie. Mais ça, c’était différent », juge-t-elle.
« Il finit par me dire qu’il n’est pas sûr qu’on puisse faire le shoot parce qu’il ne sait pas s’il saura se retenir pendant la séance et insiste beaucoup là-dessus. Il cherchait “une connexion physique”. À mots couverts, ce qu’il me disait était : “Regarde, maintenant que je t’ai dit que je veux te fourrer, si t’es correct avec ça, on travaille. Sinon, je ne travaille pas avec toi.” »
Mme Trudel a fini par refuser de travailler avec Anthony Turano après avoir compris qu’il ne lui offrait aucune autre option qu’un shoot avec « connexion physique ».
Joint au téléphone, Anthony Turano nie avoir demandé une « connexion physique » à des modèles. Pourtant, des messages que nous avons pu consulter indiquent le contraire.
VOYAGES PAYÉS
Certaines des femmes se sont aussi vu proposer des voyages payés et étaient prévenues quelques jours avant le départ qu’elles auraient à partager un lit avec M. Turano.
« Je ne sais pas si je pourrai me retenir » et « ce serait juste une connexion physique » sont des phrases qu’utilisait souvent le photographe, sans jamais dévoiler explicitement ses intentions.
L’homme affirme qu’une situation de partage obligatoire de lit n’est survenue qu’une fois, il y a quelques mois, et qu’il prévenait, par professionnalisme, d’éventuels assistants ou assistantes qu’il n’y aurait qu’un seul lit. Il se défend d’avoir indiqué ou insinué à un quelconque moment qu’il voulait avoir des relations sexuelles avec les mannequins.
Le 21 octobre, Anthony Turano a annoncé sur les réseaux sociaux qu’il se retirait de l’industrie de la photographie de mode pour des raisons de santé. Il dit vouloir se concentrer sur son bien-être et celui de sa famille.
D’AUTRES FEMMES
Dans la foulée du #MoiAussi, Marianne Trudel a dénoncé parallèlement les agissements de M. Turano à la suite de publications sur Facebook.
Elle a été inondée de messages privés de mannequins qu’elle ne connaissait pas.
« J’ai eu un déluge de témoignages et c’était toujours la même chose, la même histoire, le même pattern. »
N’eût été le mot-clic #MoiAussi, Marianne Trudel n’aurait probablement jamais parlé. Les autres femmes, elles, admettent que c’est à cause de son témoignage qu’elles ont décidé de se faire entendre.
Anthony Turano dit que les dénonciations proviennent de ses concurrents ou de modèles avec qui il a refusé de travailler, qui tentent de le diffamer « depuis cinq à sept ans ». Il ajoute que les captures d’écran publiées sur les réseaux sociaux ont été fabriquées de toutes pièces.
« J’essaie de reprendre ma vie en main, de ne pas me tuer, et ces personnes ne veulent qu’avoir leurs cinq minutes de gloire », estime-t-il.