Ottawa poursuivi par un ancien de Guantanamo
Le Canada doit assumer sa responsabilité selon le NPD
OTTAWA | Poursuivi pour 50 millions $ par un ex-détenu de Guantanamo, le Canada paye pour son « piètre bilan » en matière de protection des droits, a dénoncé hier le Nouveau Parti démocratique (NPD).
« Quand on partage des informations de façon cavalière avec d’autres pays, quand on permet des abus et un mauvais traitement, il faut faire face aux conséquences », a déploré le porte-parole du NPD en matière de sécurité publique, Matthew Dubé.
Le ministère de la Sécurité publique a confirmé hier que Djamel Ameziane, un Algérien détenu durant 11 ans à la prison de Guantanamo et interrogé sur place par les services secrets canadiens, avait déposé hier une poursuite contre le gouvernement fédéral. Le ministère n’a pas souhaité commenter les procédures en cours.
M. Ameziane a vécu cinq ans à Montréal avant de quitter pour l’Afghanistan, en 2000, après s’être vu refuser l’asile politique au Canada. Il a été arrêté au Pakistan l’année suivante, puis envoyé à Guantanamo en 2002.
TORTURE
La poursuite allègue que les autorités canadiennes ont commencé à partager de l’information au sujet de Djamel Ameziane avec les États-Unis dès 1999. Ce processus aurait débuté dans le cadre d’une enquête sur un autre citoyen algérien, Ahmed Ressam, qui fomentait à partir de Montréal un attentat contre l’aéroport de Los Angeles.
Le plaignant veut faire déclarer les autorités canadiennes solidairement responsables de la torture qu’il a subie durant sa détention dans la prison américaine. Selon lui, ce sont les agents canadiens qui ont mis les États-Unis sur sa trace.
Ce cas survient environ quatre mois après que le gouvernement fédéral eut signé une entente de 10,5 millions $ avec l’ancien enfant soldat Omar Khadr, emprisonné à Guantanamo alors qu’il était mineur.
Puisqu’il n’est pas citoyen canadien, Djamel Ameziane ne peut poursuivre le fédéral en vertu de la Charte des droits et libertés. C’est donc une plainte pour voies de fait qui a été déposée hier en Cour supérieure de l’Ontario.
« Les bases légales de la poursuite sont différentes, mais la conduite des autorités canadiennes est essentiellement la même que dans le cas d’Omar Khadr », a argumenté l’avocat du plaignant, Nate Whitling.
AUTRES POURSUITES
Le NPD espère que ce genre de cas sensibilisera le gouvernement à l’avenir. « On n’en serait pas là si le Canada avait été plus prudent avec le partage d’information des agences de sécurité. Les gouvernements doivent assumer la responsabilité de leurs gestes, ici comme à l’étranger », a conclu le député Matthew Dubé.
Deux autres poursuites similaires pourraient encore viser le fédéral. Outre Omar Khadr et Djamel Ameziane, deux autres personnes ont été interrogées à Guantanamo durant le même voyage des services secrets canadiens.