L’humoriste pas comme les autres
Confession : j’aime ce que fait Guy Nantel. J’aime parce qu’au Québec, dans notre omnipotente industrie du rire préfabriqué, il est un des trop rares spécimens à s’aventurer sur le terrain miné de l’humour dit politique.
Mardi soir, je suis allée voir son spectacle « controversé ». Controversé pour une « blague » sur Alice Paquet, cette jeune femme qui alléguait avoir été agressée par le député Gerry Sklavounos. Je vous le dis tout de suite : cette « blague », je ne l’ai pas trouvée drôle.
MAUDIT BON SHOW
Je suis pourtant bon public. J’ai grandi avec Les Cyniques et Monty Python. Alors, je suis capable d’en prendre. Mais là, je n’ai même pas ri jaune. Pour moi, l’humour le plus subversif reste celui qui déculotte les méchants et non pas celui qui ridiculise leurs victimes, même alléguées.
Cela dit, cette « blague » n’est qu’un bref passage au début d’un maudit bon show mené de main de maître. Je l’avoue : je n’ai pas ri comme ça depuis très longtemps.
Guy Nantel n’en rate pas une. Les trois religions monothéistes en prennent pour leur rhume. Idem pour la classe politique et l’apathie croissante des Québécois eux-mêmes.
Guy Nantel nous brasse sérieusement le « canayen », comme on disait jadis. Et Dieu sait, si vous me passez l’expression, qu’on en a drôlement besoin par les temps moroses qui courent.
VISER JUSTE ET FORT
Je ne ferai pas ma « divulgâcheuse ». Je me limiterai donc à saluer aussi la fin de son spectacle. Une fin qui nous prend par les tripes en nous invitant à nous requinquer le coeur, à gonfler notre muscle atrophié du rêve, et surtout, à retrouver enfin notre colonne vertébrale, individuelle et collective.
Bref, Guy Nantel vise juste et fort. Cet humoriste pas comme les autres réussit à nous faire réfléchir tout en nous dilatant la rate à un train d’enfer. Qui peut demander mieux ?