« Le plus grand combat que j’ai eu à faire »
Un retraité sur cinq des Forces armées canadiennes doit composer avec une dépression chronique
OTTAWA | De nouvelles données montrent que les vétérans souffrent de plus en plus. Ils se confient en ce jour du Souvenir.
Le vétéran Martin Plouffe a dû se faire amputer deux membres à la suite de quatre missions outremer pour les Forces armées. Mais c’est aujourd’hui qu’il livre son pire combat, celui d’un retour à la vie civile au rythme des crises de stress post-traumatique et des flash-back.
« C’est très difficile de sortir chez moi à cause du bruit et des facteurs de stress. Donc, je m’isole et c’est extrêmement difficile. Mais ma maison, c’est mon cocon, ma zone de confort », souffle le caporal-chef à la retraite Martin Plouffe, qui a servi pendant 20 ans dans l’infanterie canadienne.
Il vit depuis 2013 seul chez lui, près de Joliette. Une vie d’isolement depuis que ses blessures physiques et mentales l’ont poussé à laisser sa conjointe après son départ des Forces en 2011.
Le nombre de vétérans qui, comme lui, souffrent de détresse psychologique et de difficulté d’adaptation à la vie civile est à la hausse (voir autre texte). En ce jour du Souvenir, Le Journal en profite pour raconter leur histoire.
ÉVITER LES FOULES
Le quinquagénaire a perdu une jambe et un bras durant son service, mais il ne s’agit que de « dommages collatéraux lors de mes missions outremer », résume-t-il, sans vouloir en dire plus sur ses blessures.
Bien pire selon lui, il vit dorénavant avec un trouble du stress post-traumatique sévère, qui s’ajoute à un important trouble de l’anxiété. Il pense à l’armée « 200 à 300 fois par jour ». Il vit régulièrement des flash-back qui le propulsent dans son ancienne vie militaire.
« Je pourrais vivre sans problème avec mes blessures physiques. Mais je vis de l’anxiété tous les jours. Je fais mon épicerie tard le soir pour éviter les foules, et j’ai souvent peur d’une crise qui peut être déclenchée par n’importe quoi. C’est [l’isolement] qui m’affecte le plus dans ma vie », laisse-t-il tomber.
Pendant sa carrière militaire, le Québécois a multiplié les tournées à l’étranger, en commençant avec deux missions en Bosnie dans les années 1990. Sa car- rière s’est terminée en 2011 après deux autres en Afghanistan.
À l’époque, il explique que les forces armées prenaient soin de lui du matin au soir. Horaire, uniforme, repas et activités pendant le jour, tout était réglé au quart de tour. Or, c’est tout le contraire qui l’attendait en faisant la transition vers la vie civile, après avoir passé deux ans à l’hôpital pour soigner ses blessures.
« JE POURRAIS VIVRE SANS PROBLÈME AVEC MES BLESSURES PHYSIQUES, MAIS JE VIS DE L’ANXIÉTÉ TOUS LES JOURS » – Martin Plouffe
PAS PRÉPARÉ
« Après mon congé de l’hôpital, j’ai l’impression qu’on m’a mis sur une tablette et j’ai dû me battre pour tout ce que j’ai aujourd’hui de la part d’Anciens combattants Canada. Je n’avais absolument aucun soutien, aucun encadrement et je ne savais même pas où me tourner pour trouver de l’aide », souffle Martin Plouffe.
Six ans après son départ des Forces, l’ex-militaire dit que rien n’aurait pu le préparer pour la difficulté de la transition vers la vie civile.
« C’est le plus grand et le plus difficile combat que j’ai eu à faire dans ma vie […] Je me sentais aucunement encadré, seul, abandonné. J’avais tout donné à mon pays, et là je me trouvais sans support. Je n’étais tellement pas prêt pour ça », confie l’ex-militaire.
« Au lieu de l’argent qu’on nous donne pour nous fermer la trappe après des blessures, Ottawa devrait prendre cet argent et l’investir dans des soins à domicile et des animaux thérapeutiques », poursuit-il.