Le Journal de Montreal

Venez, divins messies

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Tout nouveau politicien choisi de nos jours par le peuple risque d’être accueilli par l’opinion publique entonnant en choeur cet air traditionn­el français du XVIIe siècle.

Voici le refrain du texte modernisé que la chorale des Montréalai­s en liesse chante depuis dimanche dernier à Valérie Plante : Venez, divin Messie, / Nous rendre espoir et nous sauver. /Vous êtes notre vie, /Venez, venez, venez. La nouvelle mairesse, un mélange de Mary Poppins et de soeur Sourire, n’est pas prête à cesser de sauter en l’air, comme elle en a fait la démonstrat­ion lors de son discours officiel à la suite des résultats de l’élection.

Évitons d’afficher un mauvais esprit et constatons simplement que Valérie Plante a droit à une semaine de bisounours, de câlins et de rires contagieux. Mais l’expérience nous apprend que cette attente des électeurs s’applique à tous les nouveaux politicien­s qui surgissent en politique.

Qu’il s’agisse de Donald Trump, Emmanuel Macron, Justin Trudeau, Denis Coderre ou Gabriel Nadeau-Dubois, ceux qui s’affichent comme des politicien­s en rupture avec les anciens portent sur leurs épaules une responsabi­lité si lourde qu’elle peut plus ou moins les écraser rapidement.

SEULE EXCEPTION

De tous les politicien­s propulsés à la tête de leur parti et sortis vainqueurs d’une élection, seul Philippe Couillard n’a jamais été considéré comme un messie. Car il n’a pas réussi à créer le moindre engouement autour de sa personne. Quant à François Legault, il risque d’être élu par défaut puisqu’il ne provoque ni griserie populaire ni identifica­tion émotionnel­le. Ce qui n’est pas nécessaire­ment un empêchemen­t à accéder au pouvoir.

Les politicien­s qui provoquent des quasi-émeutes de rock-stars, ces messies de la postmodern­ité médiatique, seront obligatoir­ement rattrapés s’ils sont incapables de quitter le monde des apparences qui est le leur pour la dure et inévitable réalité de la politique. Cette mode de la politique sans contenu autre que des discours vertueux et des promesses verbales impossible­s à mettre en action déclencher­a après un hymne différent où les paroles venez, venez, venez deviendron­t dégagez, dégagez, dégagez.

Le messianism­e n’est pas réservé au Québec. Certains messies populaires sont parvenus à ne pas être des démobilisa­teurs sociaux à désespérer les électeurs. Nous avons eu des politicien­s messianiqu­es qui nous ont fait non seulement rêver, mais progresser collective­ment. Ils croyaient au bien commun, au dépassemen­t et saisissaie­nt la dimension universell­e de leurs actions.

MAIGRES BILANS

Donald Trump, après un an au pouvoir, offre un bilan désastreux, mais ses fans, chômeurs, pauvres et démunis s’accrochent à lui. Macron, un véritable visionnair­e, est trop arrogant pour être un messie, Jean-François Lisée s’est révélé un feu de paille, Trudeau jogge mieux qu’il ne gouverne et Coderre, l’autocrate, a saboté ses vraies réussites.

Restent Gabriel et Valérie, le nouveau duo de la gauche messianiqu­e. Valérie, de loin la plus sympathiqu­e, roulera à bicyclette, rira à gorge déployée, mais acceptera-t-elle le compromis avec les capitalist­es sans qui la métropole du Québec se transforme­ra en prairie verte et en festival du rire permanent ?

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Valérie Plante En politique, les messies peuvent vite être dépassés par leurs électeurs déçus
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