Le Journal de Montreal

DEUX INGÉNIEURS ONT DISTRIBUÉ DE GIGANTESQU­ES POTS-DE-VIN

Un ingénieur avoue même avoir remis une ristourne de 500 000 $ à Saint-Jérôme, il y a plusieurs années

- Jean-Louis Fortin À Laval, autant Roger Desbois que Marc Gendron ont avoué avoir collecté les ristournes de 2 % des entreprene­urs, au profit du parti de Gilles Vaillancou­rt. Ils ont aussi indiqué que les firmes de génie payaient une ristourne de 2 %. jean

Deux collecteur­s de fonds de l’exmaire Gilles Vaillancou­rt avouent avoir versé des pots-de-vin non seulement à Laval, mais aussi dans de nombreuses villes de la couronne nord de Montréal.

Un de ces pots-de-vin versés il y a plusieurs années à Saint-Jérôme atteindrai­t même la somme de 500 000 $.

Personne n’avait admis avoir versé une aussi grosse ristourne illégale en argent comptant, depuis l’éclosion de nombreux scandales de corruption dans les 10 dernières années. Ni à la commission Charbonnea­u ni dans les divers procès de politicien­s ou d’entreprene­urs accusés de fraude.

Ce sont deux ex-cadres de la firme de génie-conseil Tecsult, soit Marc Gendron et Roger Desbois, qui ont fait ces révélation­s au cours des dernières semaines dans le cadre du procès de l’entreprene­ur Tony Accurso, à Laval. Accurso est accusé d’avoir été un acteur de premier plan dans l’immense réseau de collusion qu’aurait dirigé Vaillancou­rt.

L’entreprene­ur n’est pas accusé d’être lié aux versements de pots-de-vin dans les Laurentide­s. Sauf que c’est son avocat, Marc Labelle, qui a réussi à tirer les vers du nez de messieurs Gendron et Desbois, lors d’un contre-interrogat­oire dans lequel il les questionna­it sur leurs pratiques douteuses de « développem­ent des affaires ».

100 000 $ PAR MOIS

Marc Gendron a expliqué qu’en plus de remettre des enveloppes de comptant à Laval, il l’avait fait notamment à Blainville, Mirabel et Sainte-Thérèse (voir carte).

Mais il dit avoir versé son plus gros pot-de-vin à Saint-Jérôme, dans le cadre d’un important projet d’infrastruc­tures municipale­s de 69 millions $.

« J’ai donné 500 000 $ comptant. Ça ne s’est pas fait d’un coup sec. Ça a pris cinq ans », a-t-il raconté.

Marc Gendron dit avoir fait ce paiement à une firme d’avocats qui avait facilité l’octroi du contrat. « Il y avait une clause, le conseil [municipal] était hésitant un peu, les avocats ont réglé ça. »

L’ingénieur retraité, âgé aujourd’hui de 86 ans, n’a pas mentionné devant le jury sous le règne de quel maire il avait donné son gigantesqu­e pot-de-vin.

Gendron s’est par contre souvenu clairement que les paiements faits par la Ville étaient d’environ 100 000 $ par mois, et qu’il versait son pot-de-vin à mesure que sa firme encaissait cet argent.

Il avait déjà évoqué ses manoeuvres dans les Laurentide­s lors de son témoignage à la commission Charbonnea­u, mais avec beaucoup moins de détails.

L’UPAC NE COMMENTE PAS

Un ex-collègue de Marc Gendron, Roger Desbois, a également raconté lors du procès Accurso qu’il s’est assis avec les policiers dans un restaurant de Laval pour leur décrire les manoeuvres douteuses de Tecsult afin d’obtenir des contrats sur la Rive-Nord.

« J’ai fait le tour des villes que nous détenions, une par une », a-t-il témoigné. Il a indiqué qu’à sa connaissan­ce, ces pratiques avaient cessé après l’achat de l’entreprise par le géant américain AECOM en 2008.

Notre Bureau d’enquête a demandé à l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) si elle s’était penchée sur le cas de ces villes de la couronne nord de Montréal. Le porte-parole Mathieu Delisle a indiqué que l’organisati­on ne commentait pas ses enquêtes.

« DE TOUS LES CONTRATS QUE J’OBTENAIS, ON DONNAIT UNE RISTOURNE. C’ÉTAIT COMME ÇA DANS LE TEMPS DE [MAURICE] DUPLESSIS, ET ON A EMBARQUÉ DANS CETTE PATENTE-LÀ. » -Marc Gendron

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