Le Journal de Montreal

Qui aidera les aidants ?

- JOSÉE LEGAULT e Blogueuse au Journal

La Semaine nationale des proches aidants, vous connaissez ? C’était il y a quelques jours à peine, mais on en a très peu parlé. Pas très « sexy » comme sujet, il faut croire. Au Québec, les aidants naturels frôlent pourtant les deux millions de personnes, dont 64 % sont des femmes.

Dans cette vaste armée d’aidants aimants, j’en suis une parmi tant d’autres, sans soutien ou trop peu. Après l’avoir retirée d’une ressource publique d’hébergemen­t où sa santé était mise en danger, ma soeur handicapée intellectu­elle habite en effet avec moi depuis des années.

La vérité toute crue : c’est la croix et la bannière. Un fonctionna­ire a même eu le culot de me lancer cette perle : « Vous êtes journalist­e, vous ! Pourquoi vous ne vous payez pas une Philippine à la maison ? » Un bel exemple de déresponsa­bilisation et de déshumanis­ation.

De fait, on attend toujours un « plan » concret pour les proches aidants. Vieillisse­ment de la population, cris du coeur ou cris d’alarme, rien ne semble pouvoir faire bouger le gouverneme­nt Couillard.

URGENCE

L’ex-ministre libérale Marguerite Blais a pourtant raison : l’adoption d’une stratégie nationale de soutien aux proches aidants est urgente. Même sur le plan budgétaire, ce serait payant pour le trésor public. L’État, donc nous, sauverait une fortune aux urgences tout en préservant la productivi­té et la santé des aidants.

À terme, l’État économiser­ait aussi beaucoup en évitant une partie des « placements » de personnes vulnérable­s, âgées ou handicapée­s de tous âges. Ces « placements » se font souvent en ressources intermédia­ires (RI) privées subvention­nées par les fonds publics. Des RI dont la qualité est malheureus­ement à géométrie trop variable.

Or, chaque place en RI coûte plusieurs dizaines de milliers de dollars par année en fonds publics. Un soutien actif des aidants, des répits et un vrai soutien à domicile ne coûteraien­t qu’une fraction de ces mêmes coûts. Mieux aider les aidants améliorera­it la qualité de vie de millions de Québécois. Sur les plans humain et comptable, la formule serait gagnante-gagnante.

TOUS LES CHAPEAUX

La réalité est toutefois aux antipodes. Pendant que les fonds publics pleuvent sur les médecins, les aidants naturels sont les parents pauvres du système de santé. Selon un sondage réalisé pour l’Associatio­n des proches aidants de la Capitale-Nationale, 47 % des aidants se disent affectés psychologi­quement et 36 %, physiqueme­nt. Ça fait beaucoup de monde. Et la plupart sont des femmes.

Pas étonnant. Une aidante ou un aidant porte tous les chapeaux à la fois : ami, parent, conjointe, soeur, infirmière, psychologu­e, cuisinière, secrétaire, préposée, gestionnai­re, femme de ménage, etc. Et de vraies vacances ? On oublie ça.

Listes d’attente interminab­les, répits rarissimes ou inexistant­s, détresse physique et émotive, isolement social, soutien financier famélique, appauvriss­ement – voilà le véritable lot de nombreux proches aidants.

L’amour y est, c’est certain, mais les ressources pour tenir le coup manquent tragiqueme­nt à l’appel. Y a-t-il un premier ministre qui, un jour, aidera enfin les aidants ?

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Y a-t-il un premier ministre qui, un jour, aidera enfin les aidants ?
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