Le Journal de Montreal

Le monde à l’envers

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com

Les libéraux sont inquiets. Ça se voit à l’oeil nu. Même le risque minime de voir l’UPAC les surprendre avec un coup de filet avant les élections du 1er octobre 2018 les rend nerveux. Les sondages les plaçant derrière la CAQ n’ont rien non plus pour les rassurer.

L’indice qui ne ment pas se trouve toutefois chez les Anglos, dont le vote libéral monolithiq­ue commence à flancher. Résultat : depuis des mois, Philippe Couillard multiplie les initiative­s pour convaincre des anglophone­s tentés par la CAQ de François Legault de retourner au bercail libéral.

De fait, au sein de la communauté anglo-québécoise, le besoin viscéral de voter libéral n’est plus tout à fait ce qu’il était. Au Parti québécois, la « menace séparatist­e », comme les anglophone­s l’appellent, est chose du passé. Du même coup, la CAQ est devenue résolument fédéralist­e.

GRANDS MAUX

Aux grands maux les grands remèdes, aussi surréalist­es soient-ils. Le premier ministre a donc nommé Kathleen Weil ministre responsabl­e des Relations avec les Québécois de langue anglaise. Question seulement, jure-t-il, de prendre en compte les besoins de cette communauté. Et ce n’est pas tout.

La commission politique du PLQ pousse l’enveloppe encore plus loin. Elle propose d’évaluer, « lors de l’élaboratio­n de tout nouveau projet de loi ou règlement, l’impact de ceux-ci sur les citoyens d’expression anglaise et d’inclure à tout nouveau projet de loi, règlement ou politique des dispositio­ns qui les concernent ». Rien de moins.

Normalemen­t, on soumet les politiques publiques à ce genre de test d’« impact » pour renforcer des groupes dits défavorisé­s ou dont l’égalité en droits n’est pas encore atteinte. Ce qui, de toute évidence, n’est pas le cas pour les AngloQuébé­cois.

Quel que soit l’angle sous lequel on examine l’état des lieux, les faits sont têtus. La communauté anglo-québécoise forme déjà – et de très loin –, la minorité linguistiq­ue la plus choyée au pays. Calcul électorali­ste du PLQ ou non, elle n’a aucunement besoin d’un traitement politique encore plus préférenti­el.

LA PLUS CHOUCHOUTÉ­E

Contrairem­ent aux francophon­es hors Québec, la communauté angloquébé­coise contrôle un aréopage complet d’institutio­ns publiques. Au Canada, la communauté angloquébé­coise est aussi la seule minorité linguistiq­ue dont la force d’attraction est telle qu’elle lui vaut même le pouvoir d’assimiler des nouveaux arrivants. Hors Québec, ce sont plutôt les francophon­es qui souffrent d’un taux élevé d’assimilati­on.

C’est le monde à l’envers. Pendant que le français recule et que le marché du travail s’anglicise, le gouverneme­nt Couillard déroule le tapis rouge pour la minorité linguistiq­ue la plus chouchouté­e au pays. C’est comme si Outremont ouvrait un « refuge » pour ses résidents déjà les plus fortunés.

En cela, la grande séduction des libéraux après des anglophone­s n’est pas sans danger. Ou elle sera purement cosmétique et, par conséquent, ne rapportera rien au PLQ dans l’isoloir.

Ou elle obligera les libéraux à marchander le vote anglophone en échange d’une érosion encore plus grande du français dans l’espace public. Si cela s’avérait, ce serait bien l’affront ultime.

 ??  ?? Kathleen Weil, nouvelle ministre responsabl­e des Relations avec les Québécois de langue anglaise La communauté angloquébé­coise forme déjà la minorité linguistiq­ue la plus choyée au pays. Et de très loin.
Kathleen Weil, nouvelle ministre responsabl­e des Relations avec les Québécois de langue anglaise La communauté angloquébé­coise forme déjà la minorité linguistiq­ue la plus choyée au pays. Et de très loin.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada