Le Journal de Montreal

Devenu millionnai­re en revendant des billets

L’homme de Bouchervil­le fait l’objet d’enquêtes et est cité dans les ParadisePa­pers

- CAMILLE GARNIER CATHERINE MONTAMBEAU­LT

Un Québécois a bâti un empire de plusieurs millions de dollars en achetant, parfois en moins d’une heure, des centaines de billets des mêmes spectacles qu’il revendait au prix fort alors que cette pratique est dénoncée.

Les affaires très lucratives de Julien Lavallée ont été dévoilées dans les Paradise Papers, une enquête du Consortium internatio­nal des journalist­es d’investigat­ion basée sur des fuites provenant de paradis fiscaux.

Les documents obtenus par CBC/Radio-Canada dans le cadre de l’enquête indiquent que l’entreprene­ur de 30 ans, domicilié dans une luxueuse demeure de Bouchervil­le, possédait une société nommée I Want Ticket Inc. Celle-ci était enregistré­e à l’île de Mans, une île britanniqu­e considérée comme propice à l’évasion fiscale.

Le nom de cette société fermée en octobre semble faire référence à la méthode employée par M. Lavallée pour bâtir sa fortune.

À travers plusieurs entreprise­s, l’homme achète un maximum de billets pour les spectacles de stars, tel Ed Sheeran, au Canada, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne.

Il les revend à un prix largement supérieur sur des sites spécialisé­s.

CONTOURNEM­ENT

Des documents sur lesquels la CBC a mis la main montrent que l’entreprene­ur aurait ainsi acquis l’an dernier plus de 300 billets pour trois spectacles anglais de la chanteuse Adele en une vingtaine de minutes. Le tout en plaçant des commandes simultanée­s depuis Londres, Chicago ou Los Angeles au nom d’une quinzaine de personnes.

Cette manoeuvre, impossible à réaliser sans l’aide de programmes informatiq­ues, selon plusieurs experts, pourrait avoir permis à M. Lavallée de contourner la limite d’achat de quatre billets par personne, destinée justement à limiter l’action des revendeurs.

« Il est facile d’utiliser un script qui va remplir automatiqu­ement et le plus rapidement possible les formulaire­s nécessaire­s à l’achat d’un billet en ligne », explique Éric Parent, président de Logicnet, une firme spécialisé­e dans la sécurité informatiq­ue. L’expert ajoute que Lavallée a aussi pu uti- liser un service permettant de contrôler à distance plusieurs systèmes pour simuler des acheteurs distincts.

Le Journal a tenté de joindre M. Lavallée cette semaine afin d’obtenir ses explicatio­ns, sans succès. Quelle que soit sa technique, elle semble lucrative. En 2015, une de ses compagnies à numéro québécoise affichait un chiffre d’affaires de 8 M$.

ZONE GRISE

Les quantités de billets impression­nantes écoulées par l’entreprene­ur sur le site de revente stubhub.uk ont d’ailleurs alerté les autorités britanniqu­es. Julien Lavallée fait l’objet de deux enquêtes, l’une de l’Autorité de la concurrenc­e (CMA) et l’autre de l’Agence nationale des normes commercial­es (NTS).

Selon le professeur de marketing à HEC Montréal Renaud Legoux, l’entreprene­ur profite des failles de sites comme stubhub.uk qui mettent en contact acheteurs et revendeurs (voirtextec­i-contre).

« Sur ce genre de plateforme, on n’a pas l’identité des revendeurs, donc ça crée un espace de marché assez opaque. On ne sait pas si ce sont des individus ou des entreprise­s », explique-t-il.

 ?? PHOTOS WENN.COM, MARTIN CHEVALIER ET TIRÉE DE FACEBOOK ?? Julien Lavallée a mis la main sur des centaines de billets pour les spectacles d’Adele, de Drake, d’Ed Sheeran et de Metallica, entre autres, avant de les revendre à prix d’or aux fans. ADELE DRAKE ED SHEERAN METALLICA
PHOTOS WENN.COM, MARTIN CHEVALIER ET TIRÉE DE FACEBOOK Julien Lavallée a mis la main sur des centaines de billets pour les spectacles d’Adele, de Drake, d’Ed Sheeran et de Metallica, entre autres, avant de les revendre à prix d’or aux fans. ADELE DRAKE ED SHEERAN METALLICA
 ??  ?? JULIEN LAVALLÉE
JULIEN LAVALLÉE

Newspapers in French

Newspapers from Canada