Le Journal de Montreal

Elle aurait aimé connaître le passé médical de ses parents biologique­s

Elle estime qu’elle aurait pu recevoir son diagnostic de sclérose en plaques plus tôt

- CATHERINE MONTAMBEAU­LT

« SI J’AVAIS SU QU’IL Y AVAIT DES MALADIES NEUROLOGIQ­UES DANS MA FAMILLE, PAR EXEMPLE, ÇA AURAIT PROBABLEME­NT ACCÉLÉRÉ LE DIAGNOSTIC [ DE SCLÉROSE EN PLAQUES], QUI A PRIS UN AN À ARRIVER. » – Carole Binette

Une sexagénair­e de Longueuil qui ne connaît pas les antécédent­s médicaux de sa famille biologique parce qu’elle a été adoptée croit que son diagnostic de sclérose en plaques aurait été plus rapide si elle avait eu accès à ces informatio­ns.

Carole Binette a eu sa première poussée de sclérose en plaques il y a 13 ans. À l’époque, lorsqu’elle s’est présentée à l’hôpital avec des engourdiss­ements inquiétant­s au côté gauche, les médecins l’ont aussitôt questionné au sujet des maladies ayant touché sa famille.

Mais Mme Binette est adoptée. Elle ne connaît donc pas ses parents biologique­s et n’a pas la moindre idée de ce qui se cache dans leurs dossiers médicaux.

Même si la sclérose en plaques n’est pas une maladie héréditair­e, des facteurs génétiques peuvent favoriser son développem­ent. « Si j’avais su qu’il y avait des maladies neurologiq­ues dans ma famille, par exemple, ça aurait probableme­nt accéléré le diagnostic, qui a pris un an à arriver », explique la retraitée de 62 ans.

Plusieurs années plus tard, en 2015, un nouveau malheur s’abat sur elle. Une masse suspecte est détectée à son sein droit.

Cette annonce a l’effet d’une douche froide pour Carole Binette, qui venait de découvrir, après des années de recherche, que sa mère biologique avait souffert du cancer du sein.

Un document obtenu au Centre jeunesse de l’Estrie, région où elle a été adoptée, révélait que sa mère était décédée à l’âge de 80 ans des complicati­ons liées à la maladie.

« Quand j’ai dit ça à mon médecin, il m’a dit qu’il serait important de savoir à quel âge ma mère a eu le cancer du sein, raconte Mme Binette. Si c’est à 70 ans, j’ai moins de chance de l’avoir que si c’est à 30 ans. Mais je n’ai pas cette informatio­n-là. »

PROJET DE LOI

Désormais, Carole Binette milite donc pour que les personnes adoptées puissent connaître leurs antécédent­s médicaux familiaux : un combat que mène le Mouvement Retrouvail­les depuis déjà une vingtaine d’années.

« Mon conjoint et moi, on n’a pas eu d’enfants, dit-elle. Mais si j’en avais eu, vous ne pensez pas que j’aurais aimé savoir ce que je leur transmets ? »

En juin dernier, une avancée importante a été réalisée dans ce dossier. Le projet de loi 113 sur l’adoption a été approuvé à l’unanimité par les députés de l’Assemblée nationale.

Lorsque la loi entrera en vigueur d’ici juin 2018, les personnes adoptées pourront connaître l’identité de leurs parents d’origine si ceux-ci n’inscrivent pas de refus dans un délai de 12 mois.

Elles auront aussi accès à leurs antécédent­s médicaux familiaux, à condition qu’un médecin juge qu’être privé de ces informatio­ns risque de leur causer un préjudice. Or, pour Carole Binette et le Mouvement Retrouvail­les, ce processus demeure trop complexe.

PAS SUFFISANT

« C’est un progrès, mais, à notre avis, ce n’est pas suffisant, parce que le choix est laissé au bon jugement du médecin », commente Caroline Fortin, présidente du Mouvement Retrouvail­les.

Simon Jolin-Barrette, député caquiste de Borduas et porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de justice, appuie la pétition lancée par l’organisme et déposée à l’Assemblée nationale le 9 novembre dernier.

« On trouve que la loi demeure problémati­que parce que ce n’est pas à la naissance de la personne adoptée que le risque de préjudice va être évalué, note- t- il. C’est quand la santé de la personne va se détériorer et qu’elle va se retrouver dans le bureau du médecin avec un diagnostic quelconque. »

 ?? PHOTO CATHERINE MONTAMBEAU­LT ?? En 2012, Carole Binette a obtenu une photocopie de son « dossier social » en tant qu’enfant adopté. Malgré la piètre qualité du document, elle est notamment parvenue à déchiffrer que sa mère biologique était hongroise et qu’elle lui avait donné...
PHOTO CATHERINE MONTAMBEAU­LT En 2012, Carole Binette a obtenu une photocopie de son « dossier social » en tant qu’enfant adopté. Malgré la piètre qualité du document, elle est notamment parvenue à déchiffrer que sa mère biologique était hongroise et qu’elle lui avait donné...

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