Au Zimbabwe, la rue euphorique demande la fin du règne de Mugabe
Le sort du plus vieux chef d’État en exercice de la planète décidé aujourd’hui
HARARE | (AFP) Des dizaines de milliers de Zimbabwéens ont manifesté hier, dans une ambiance festive, pour exiger la démission de robert mugabe, accentuant la pression sur le président qui rencontrera aujourd’hui l’armée, désormais aux commandes du pays.
Le Zimbabwe a connu hier l’une des plus grandes manifestations jamais organisées, depuis l’indépendance et l’arrivée au pouvoir de Robert Mugabe en 1980.
« Un jour historique » , a résumé hier soir, avec une voix émue, la présentatrice du journal de la ZBC, la télévision d’État.
« Trop c’est trop, Mugabe doit partir », « Repose en paix Mugabe » , « Non à la dynastie Mugabe » , « Au revoir grandpère », proclamaient des affiches brandies par des manifestants euphoriques dans un concert de klaxons et de vuvuzelas.
Tous Unis
Les manifestations organisées dans la capitale et la deuxième ville du pays, Bulawayo, ont rassemblé des citoyens de tout bord politique : des ministres, des proches du parti au pouvoir, la Zanu-PF, mais aussi de l’opposition, des Noirs et, fait rarissime, des Blancs, tous unis contre un seul homme, Robert Mugabe.
« Ça fait longtemps qu’un truc pareil n’est jamais arrivé, être ensemble » , la majorité noire et la minorité blanche issue des descendants de colons britanniques, s’est réjoui Stephanus Krynauw, un fermier blanc expulsé dans le cadre de la réforme agraire très controversée lancée en 2000 par le régime Mugabe.
Les manifestants ont salué l’intervention de l’armée qui a pris le contrôle du pays dans la nuit de mardi et à mercredi et assigné à résidence le président Mugabe.
« Merci les forces armées », pouvait-on lire sur des pancartes au milieu de nom- breux portraits du chef d’état- major, le général Constantino Chiwenga.
À Harare, l’armée, qui a officiellement apporté son soutien à cette journée anti-Mugabe, a stoppé en début d’après-midi des milliers de personnes qui se dirigeaient vers le palais présidentiel, provoquant l’incompréhension des manifestants.
« Ce n’est pas juste. Pourquoi les soldats nous empêchent-ils d’aller au palais présidentiel ? », s’est indignée Rutendo Maisiri, une chômeuse de 26 ans. La foule s’est finalement dispersée dans le calme, sous l’oeil de militaires masqués et lourdement armés.
ISOLÉ
L’intervention de l’armée constitue un tournant dans le règne de Robert Mugabe, marqué par la répression de toute opposition et une grave crise économique. Environ 90 % de la population active est au chômage.
À 93 ans, le plus vieux chef d’État en exercice de la planète se retrouve de plus en plus isolé, abandonné par ses alliés les plus précieux : après l’armée et les anciens combattants, neuf des dix sections régionales de la Zanu-PF l’ont à leur tour lâché vendredi soir et ont demandé son départ.
Aujourd’hui, le comité central du parti doit se réunir pour décider de son sort.
« Nous nous réunissons pour approuver les décisions des neuf provinces » du pays, a déclaré un haut responsable du parti. « Nous le rappelons en tant que président et premier secrétaire du parti », a-t-il ajouté sous couvert d’anonymat.
Les négociations entre Robert Mugabe et l’armée, engagées jeudi, vont elles se poursuivre aujourd’hui. Le président a accepté de rencontrer l’état-major de l’armée, pour la deuxième fois depuis le début du coup de force militaire.