Le génocide en douce
François Lévesque écrit des romans policiers ( incidemment, il est aussi journaliste culturel au quotidien Le Devoir, spécialisé en cinéma) et il commence à avoir une jolie panoplie d’oeuvres à son actif. D’où la pertinence de l’avant- propos qui ouvre En ces bois profonds, son tout récent roman : « Il s’agissait d’explorer un univers merveilleux, assez éloigné des régions tortueuses que je fréquente habituellement » , explique- t- il.
Il ne me serait pas venu de penser que les populations autochtones puissent être victimes d’organisations mafiosi provenant de leurs propres rangs. Mon seul voyage en territoire autochtone remonte à plusieurs années, alors que j’avais effectué le lancement d’un petit Guide de la Baie-James, sous l’égide de la société Hydro-Québec. J’avais été impressionné aussi bien par les installations hydroélectriques que par les conditions de vie des populations amérindiennes. années de recherches, Alex Caine, spécialiste de l’infiltration d’organisations criminelles, et François Perreault, qui a déjà participé à la rédaction d’un ouvrage sur l’infiltration.
Comme les victimes étaient autochtones, donc des gens au bas de l’échelle sociale, la police n’a pas cru bon d’enquêter sur ces nombreux cas de disparitions de femmes, même si elles se produisaient toujours « le long d’une seule route reliant trois provinces par le nord, […] l’autoroute des larmes ». On n’est pas loin de ce qui se passe à Ciudad Juarez, au Mexique. Des policiers mexicains ont d’ailleurs déjà arrêté un camion chargé de jeunes filles et de jeunes garçons amérindiens en route vers le port de Lazaro Cardenas. Ces jeunes servent de mules « qui assurent l’expédition de drogues d’un pays à l’autre ». Au bout de la chaîne, ce sera la prostitution, « et plus tard, selon la demande, on les charcute… pour récupérer les pièces, en quelque sorte ». L’horreur !
Selon un rapport de la GRC datant de 2014, « 1017 femmes indigènes du pays avaient été tuées entre 1980 et 2012 ». Sans parler de toutes les autres disparues et des trois cents crimes non élucidés. On a affaire, de toute évidence, à une véritable traite de personnes, lesquelles servent d’esclaves sexuelles quand ce n’est pas pour le trafic d’organes.
L’organisation mafieuse Indian Posse intervient à différents niveaux dans la sphère sociale amérindienne. En plus d’organiser le commerce de drogues dures à grande échelle, elle voit au bienêtre de ses membres. Elle accueille même à leur sortie de prison les détenus libérés sur parole, leur fournissant aide et transport vers leurs réserves « afin d’y imposer leur influence et d’y établir les bases pour leurs affaires » : drogues, jeux et paris illégaux, prostitution, blanchiment d’argent, extorsion, faux papiers, etc.
Toute bonne organisation criminelle n’échappe pas aux guerres de pouvoirs et de territoires. Indian Posse sera éliminée et remplacée par Es-Pak. Celle-réussira même à noyauter certains chefs de bandes, empruntant le même modèle que la Cosa Nostra.
À quand une vraie commission d’enquête sur les femmes autochtones violentées, disparues et assassinées ? Ce livre-choc nous en fait comprendre l’urgence.