UN ARTISAN DU CENTENAIRE
Denis Morel a gravité autour de la LNH pendant 36 ans
Denis Morel a rangé son sifflet en 1994. Il n’a pas délaissé pour autant sa passion. Il a consacré toute sa vie au hockey. Il savoure maintenant pleinement sa retraite.
À travers ses voyages, ses parties de golf et son emploi du temps diversifié, il garde un oeil sur le sport. Impossible de ne pas jaser hockey.
Le premier officiel francophone dans la LNH fait en quelque sorte partie des meubles du circuit professionnel qui souligne son centenaire. « En y pensant bien, je suis un pionnier. J’y ai travaillé pendant plus du tiers de son existence », lâche ce sympathique monsieur, attablé avec Le Journal de Montréal au club de golf Le Mirage.
Âgé de 68 ans, il garde des souvenirs impérissables de ses 22 ans à patrouiller les glaces de la Ligue nationale. À travers ses quelque 1200 matchs, il a connu l’intense rivalité entre le Canadien et les Nordiques ou le Canadien et les Maple Leafs, ainsi que celle qui a opposé les Flames aux Oilers dans la bataille de l’Alberta.
Si la rivalité entre Montréal et Québec était axée sur le talent et la vitesse, la rivalité entre Calgary et Edmonton était marquée par la robustesse.
UN CERTAIN SOIR D’AVRIL 1984
« Par contre, après le match du Vendredi saint, c’était véritablement la guerre entre le Canadien et les Nordiques », se souvient Morel, qui agissait à titre d’arbitre auxiliaire au Forum le fameux soir du 20 avril 1984, lors de la célèbre bagarre du Vendredi saint. Il était chargé d’aller expliquer les pénalités à Jacques Lemaire et Michel Bergeron, tout juste avant la troisième période. Il n’a jamais pu le faire, puisque les officiels avaient reçu de la LNH l’ordre de relancer le duel rapidement.
« C’était une très grosse rivalité dans les médias, il y avait beaucoup de promotion, poursuit-il. Si j’étais en congé à la maison quelques jours avant le match que j’allais arbitrer à Montréal ou Québec, il ne fallait surtout pas que je lise les journaux.
Je savais que la rivalité était au top et que j’allais avoir droit à tout un match de hockey, ajoute l’homme qui réside en Mauricie depuis l’âge de cinq ans. En arbitrant chez moi, au Québec, j’avais une pression additionnelle. Je ne voulais pas être le bouc émissaire d’une victoire ou d’une défaite. Je ne voulais pas faire une connerie ou décerner une pénalité qui changerait l’allure du match. »
Morel n’a pas été épargné par les entraîneurs ou les joueurs des deux côtés, et a essuyé plus d’une mesquinerie. Les amateurs, surtout ceux des Nordiques, l’ont fréquemment chahuté, comme ses collègues zébrés. Il a toutefois toujours réussi à se tirer d’embarras.
C’est d’ailleurs pourquoi la LNH déléguait différents officiels dans cette intense rivalité. Elle y dépêchait des arbitres d’expérience comme Andy Van Hellemond, Bill McCreary ou Kerry Fraser. Morel avait l’habitude d’arbitrer au moins une fois par saison un match entre le Tricolore et les Fleurdelysés, question d’éviter la controverse. C’était souvent l’un des affrontements de décembre, avant ou pendant la période des Fêtes, puisqu’il était à la maison à Noël.
AU COEUR DE LA TEMPÊTE
Bien malgré lui, à l’automne 1982, il a été plongé en plein coeur d’une controverse entre le Canadien, propriété de Molson, et les Nordiques, propriété d’O’Keefe.
Cherchant à mettre de l’huile sur un feu toujours nourri, l’entraîneur-chef des Nordiques, Michel Bergeron, avait déclaré qu’il « travaillait pour Molson l’été ». Or, Morel travaillait pour le distributeur régional de Molson en Mauricie, Cotnoir et Pleau. L’histoire avait fait grand bruit et aurait pu être néfaste pour sa carrière.
Avec son maigre salaire dépassant à peine les 20 000 $ par année, il devait payer les comptes durant l’été. « C’était vraiment un coup bas. On avait joué avec mon emploi et remis mon intégrité en jeu, se rappelle-t-il. J’avais pris mes responsabilités et mis fin à cet emploi d’été. »
Bergeron et lui avaient passé l’éponge sans trop tarder. Sur la glace, il ne pouvait entretenir aucune rancune. Rapidement, cette vive rivalité entre Montréal et Québec trouvait un nouveau foyer de combustion. Un officiel n’avait pas sa place au centre de cette bataille.
Près de 25 ans plus tard, il en rit de bon coeur en titillant la petite balle blanche sur les allées, même si, parfois, il a été écorché à vif.