Le Journal de Montreal

Le début de la fin

- FRANÇOIS- DAVID ROULEAU

Le 28 février 1990, les Oilers d’Edmonton rendent visite aux Kings à Los Angeles. Sans s’en douter, Denis Morel saute sur la glace du Great Western Forum dans une vive rivalité qui changera le cours de sa carrière.

Ce n’est vraiment pas l’amour fou entre les Oilers et les Kings. Wayne Gretzky est un « roi » depuis moins de deux ans. Les deux formations regorgent de clients peu commodes, susceptibl­es de créer des étincelles. Les Glenn Anderson, Craig MacTavish, Kelly Buchberger, Jeff Beukeboom, Esa Tikkanen et compagnie se frottent aux Marty McSorley, Brian Benning, Bob Halkidis, Dave Taylor et cie.

Les coups salauds pleuvent dès la mise en jeu. La deuxième période restera à jamais gravée dans la mémoire de l’arbitre québécois Denis Morel, qui en a plein les bras.

Dans une échauffour­ée, il voit le robuste attaquant des Oilers Glenn Anderson donner un coup de poing sournois à Tomas Sandström des Kings. Il l’expulse du match, durant lequel il a décerné pas moins de 356 minutes de pénalité.

Sandström subit une fracture de la mâchoire. Mais son agresseur n’est pas Anderson. L’auteur du coup de poing n’est nul autre que Buchburger. L’influent président et DG des Oilers, Glen Sather, est dans tous ses états.

AUDITION À TORONTO

Morel est convoqué expresséme­nt à Toronto. Il doit expliquer sa version des faits aux bonzes de la LNH qui l’ont déjà reconnu coupable de son erreur.

« Il n’y avait pas encore de reprises vidéo à cette époque. Je me sentais vraiment comme si j’étais devant un tribunal. J’ai été bombardé de questions, se remémore Morel, encore aigri par cette expérience. C’était ma parole contre celle des Oilers. Ils m’ont montré la séquence présentée à la télévision. Pour eux, c’était facile à prouver que ce n’était pas Anderson qui avait donné le sucker punch. »

Pour sauver la face, la LNH donne une amende de 500 $ à Anderson et ne décerne aucune suspension malgré la foire à Los Angeles. Morel ne poursuit pas son périple de deux semaines sur la côte ouest. Il paiera la note durant les trois campagnes suivantes avant de tirer sa révérence.

« Cette histoire avait perturbé ma confiance et mes réactions, racontet-il, 27 ans plus tard. C’était devenu plus dur de performer. Je n’avais jamais parlé de cette histoire à personne. Même ma femme Debbie ne le savait pas. J’aurais tellement dû en parler pour me libérer psychologi­quement. Je crois que cet épisode m’a beaucoup nui pour la suite de ma carrière.

Et quand j’ai commencé à m’en remettre, la LNH m’a tassé et montré la porte à la fin de 1994, poursuit-il. C’était très dur pour l’ego. Je n’ai jamais eu droit à une tournée d’adieu. J’aurais pu continuer parce que j’étais en grande forme à 46 ans. C’était ce qui faisait ma force. Je n’étais pas un naturel, mais j’étais un grand travaillan­t. »

Fort d’une carrière de 22 ans, d’une présence au match des étoiles en 1988 et de présences aux finales de la Coupe Stanley de 1988 et 1989, il avait dû se contenter d’un rôle d’auxiliaire dans les séries éliminatoi­res de 1994. C’est de cette façon qu’il avait dû se résoudre à siffloter son chant du cygne.

Appelé à évaluer les officiels après sa carrière sur la glace, le circuit Bettman lui a indiqué la sortie une seconde fois, 10 ans plus tard, dans un grand ménage au retour du lock-out, devant de nouveau accepter le mauvais sort.

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