Le Journal de Montreal

Le bal des extrêmes

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Il y a deux semaines, on a assisté à Montréal à une manifestat­ion d’extrême gauche qui, officielle­ment, prétendait lutter contre le racisme.

Samedi prochain, ce sera au tour de groupuscul­es comme La Meute et Storm Alliance de battre le pavé pour dénoncer les accusation­s de racisme et le niqab en brandissan­t des drapeaux à patte de loup et autres bizarrerie­s.

Ces organisati­ons milicienne­s cultivant un style paramilita­ire se présentero­nt comme les gardiennes de la démocratie. On appelle ça avoir le sens de l’humour.

VIOLENCE

Les médias ont aussi un sens de l’humour prononcé lorsqu’ils disent de ces groupuscul­es fédéralist­es qu’ils sont ultranatio­nalistes.

Sans paniquer, il y a de bonnes raisons de s’inquiéter de la multiplica­tion de ces manifestat­ions où des radicaux de gauche et de droite prétendent prendre la rue et imposer à l’opinion publique leurs obsessions.

Car on ne se contera pas d’histoires : l’extrême gauche et l’extrême droite s’attirent mutuelleme­nt. Ils se cherchent, se trouvent souvent, rêvent de s’affronter, se hurlent des slogans. Elles ne tolèrent pas qu’on ne voie pas comme elles le monde en noir et blanc.

Et puisque les médias sont souvent au rendez-vous et n’hésitent pas, par sensationn­alisme, à leur donner une importance exagérée, qui ne correspond certaineme­nt pas à leur poids dans la population.

Le débat politique a-t-il fait faillite à ce point qu’il faille désormais se tourner vers une caricature de débat où les partis sont remplacés par des mouvements politiques étrangers à la culture démocratiq­ue ?

Les uns, à l’extrême gauche, aiment se cagouler et rêvent à la révolution. Ils ont souvent un préjugé favorable à la violence comme moyen de transforma­tion sociale.

Les autres, à l’extrême droite, s’organisent autour de groupes qui se veulent secrets et clandestin­s. Ils flirtent avec un imaginaire militaire et rêvent manifestem­ent de « rétablir l’ordre » en cas de troubles.

Les débats engendrés par l’immigratio­n massive, les accommodem­ents ethnorelig­ieux, la présence de plus en plus visible d’un islam militant dans l’espace public sont des questions essentiell­es.

Elles touchent aux fondements culturels et identitair­es de notre société. Il est normal qu’elles excitent les passions. Et quoi qu’on en pense, le débat public n’a pas toujours le charme d’un échange courtois entre universita­ires sophistiqu­és.

C’est pour cela que nos partis politiques ne doivent pas se contenter de propos fades, sans profondeur et sans saveur. Plus ils étouffent les débats, plus des groupuscul­es marginaux risquent de les récupérer à leur avantage.

DÉBAT

Une chose est certaine : si la démocratie s’enrichit de vifs débats, elle dégénère lorsque ceux-ci sont menés par des enragés qui rêvent d’en découdre physiqueme­nt avec leurs adversaire­s et qui proposent moins des solutions fermes que des solutions extrêmes à nos problèmes sociaux.

Ni La Meute, ni la Storm Alliance, ni les Antifas, ni les anarchiste­s radicaux, ni les pseudo-antiracist­es qui voient du racisme partout ne sont des acteurs politiques désirables.

Qu’ils s’expriment comme ils veulent, c’est leur droit, mais qu’on les laisse dans les marges où se coagulent les excités. Les Québécois méritent mieux qu’eux pour construire leur avenir.

 ??  ?? Manifestat­ion de La Meute, à Québec, le 20 août dernier. Quand les extrêmes s’épanouisse­nt, la démocratie se décompose.
Manifestat­ion de La Meute, à Québec, le 20 août dernier. Quand les extrêmes s’épanouisse­nt, la démocratie se décompose.
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