Produisons-nous trop de séries ?
Au Québec, on s’est souvent demandé s’il y avait trop d’humoristes. Chaque humoriste étant convaincu qu’on ne saurait se passer de lui, tous répondaient que la question est stupide. Aujourd’hui, je pose une question que plus d’un producteur ou auteur de télé qualifiera aussi de stupide : « Produisons-nous trop de séries ? »
Par les temps qui courent, on produit des séries comme on produit de la saucisse. On veut approvisionner toutes les chaînes et toutes les plateformes. Souvent, les vidéos d’amateurs ou semi-professionnelles qu’on visionne sur YouTube ont plus d’intérêt et sont plus originales. Sur les 400 heures de contenu qu’on y télécharge chaque minute, il y a forcément des perles.
Est-ce vraiment nécessaire que nous produisions autant ? Bon an, mal an, sans compter l’information et les affaires publiques, je regarde une centaine de documentaires et de séries dramatiques. Quelques-unes sont extraordinaires, un certain nombre sont juste bonnes à tuer le temps et les autres ne valent pas la peine qu’on s’y attarde.
Si j’écoute les suggestions qu’on me fait de part et d’autre, je manque sûrement des séries remarquables. Imaginez-vous, par exemple, que je n’ai pas encore trouvé le temps de voir House of Cards. J’ai honte, mais aucun de mes proches n’a pris le temps non plus de regarder un seul épisode de Mohawk Girls.
DES MILLIERS D’HEURES
L’an dernier, aux États-Unis, les grands réseaux, les chaînes câblées et les services par contournement ont présenté 340 séries. Cette année, on en présentera plus de 400. Ce sont des milliers d’heures de télé. Aucun téléphage, si enragé soit-il, ne peut en regarder autant même s’il passait 24 heures par jour devant son écran. Comme francophones, nous n’avons pas une telle orgie de contenu à nous mettre sous la dent.
Malgré une certaine barrière de la langue, Netflix n’en reste pas moins une grave menace pour notre télé. Selon les chiffres du Cefrio, les abonnés québécois de Netflix sont passés de 24 % l’an dernier à 33 % cette année. Malgré la popularité grandissante d’illico, seulement 19 % des Québécois y sont abonnés, contre 4 % pour Extra Tou.tv. Pour l’instant, Amazon et Apple TV sont des concurrents négligeables.
Lorsqu’un des gros problèmes de notre télévision est de faire en sorte qu’on puisse la « découvrir » dans la jungle des images qui nous assaillent, il est difficile de ne pas parler de surabondance.
DE L’ARGENT ET DE LA CHANCE
Jusqu’à présent, nos diffuseurs tentent de garder la tête hors de l’eau en faisant produire plus de séries qu’ils ne l’ont jamais fait. Radio-Canada essaie de fidéliser ses abonnés en présentant d’abord une partie de ses séries en exclusivité à Extra tou. tv ou sur ARTV. TVA fait de même à illico. À la CBC, on flirte plutôt du côté de Netflix, comme on l’a vu avec les séries Anne et Alias Grace.
S’ils veulent que nos séries soient concurrentielles et qu’elles restent attractives, les diffuseurs doivent privilégier leur qualité et leur originalité plutôt que leur nombre. Ils doivent aussi espérer que les géants du web aux poches trop pleines se casseront la gueule le plus souvent possible en présentant des navets comme Marseille, The Get Down ou Marco Pollo.
En d’autres termes, pour que nos séries survivent, il faudra plus d’argent et beaucoup de chance !
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
Dans le show-business, au train où vont les choses, il n’y aura jamais eu autant de postes ouverts à la relève.