Le Journal de Montreal

Des excuses et des chèques

- LISE RAVARY

Impossible d’imaginer Churchill, de Gaulle ou Kennedy pleurer en annonçant une catastroph­e. Les larmes n’ont jamais été le propre des grands leaders.

Que Justin Trudeau ait pleuré la mort de Gord Downie des Tragically Hip s’explique : c’était un ami. Mais que valent des larmes versées pour des injustices collective­s commises à une époque où ces injustices n’en étaient pas, quand certains droits n’existaient pas ?

L’homosexual­ité était illégale au Canada jusqu’en 1967 et il n’y avait pas encore de charte des droits.

La loi imposait à l’État de discrimine­r les militaires et employés fédéraux homosexuel­s. Surtout pendant la guerre froide. On craignait que les homosexuel­s, qui devaient garder leur orientatio­n secrète, ne soient la cible d’opérations de chantage par les Soviétique­s.

Le contexte ne change pas que des milliers de loyaux Canadiens ont été injustemen­t traités, bien après 1967. Que le chef du gouverneme­nt présente des excuses à des gens qui ont été traqués, parfois comme des bêtes, pour qui ils étaient et non pour ce qu’ils faisaient, me réjouit sans réserve.

ARGENT « CONTENT »

Mais l’État doit-il signer des chèques ? Les 145 M$ qui seront versés en compensati­on sortent de la poche de contribuab­les actuels qui n’ont rien à voir avec des décisions gouverneme­ntales d’autrefois.

Ce n’est qu’une des failles dans l’idéologie de la pénitence. Que certains groupes ou individus reçoivent des dédommagem­ents, d’autres pas, ou moins, divise et crée de la surenchère. Notre époque glorifie les victimes : les clients seront nombreux.

Maher Arar a obtenu 11,5 M$, Omar Khadr, 15 M$. Cette année, trois Canadiens torturés en Syrie ont reçu 31 M$.

Les homosexuel­s persécutés recevront entre 5000 $ et 150 000 $.

Au fait, à combien les Québécois injustemen­t emprisonné­s par votre père pendant la crise d’Octobre auraient-ils droit, Monsieur Trudeau ?

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada