Le Journal de Montreal

Trois cadres de Lafarge appréhendé­s en France

Paul Desmarais Jr siège au conseil depuis 2008

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AFP et LE JOURNAL | Trois responsabl­es du cimentier français Lafarge ont été appréhendé­s hier dans le cadre des investigat­ions sur des soupçons de financemen­t indirect de groupes djihadiste­s en Syrie, dont l’État islamique (ÉI), a-t-on appris de sources proches de l’enquête.

Ils sont entendus par le Service national de douane judiciaire (SNDJ), chargé de l’enquête, ont précisé ces sources. Il s’agit des premières gardes à vue dans cette affaire. À l’issue de ces auditions, ces gardes à vue peuvent être levées sans poursuites ou aboutir à une présentati­on devant les trois juges d’instructio­n chargés de ce dossier.

Les investigat­ions s’attachent à déterminer si le cimentier, qui a fusionné en 2015 avec le Suisse Holcim, a transmis de l’argent à des organisati­ons djihadiste­s, notamment à l’ÉI, pour continuer à faire fonctionne­r en 2013 et 2014 l’usine de Jalabiya (nord de la Syrie), malgré le conflit.

Parmi les personnes placées en garde à vue se trouvent Bruno Pescheux, le directeur de la cimenterie de 2008 à 2014, et Frédéric Jolibois, qui a repris la direction du site à partir de l’été 2014, selon des sources proches du dossier.

PERQUISITI­ON

Lafarge est aussi soupçonné d’avoir acheté du pétrole à différente­s organisati­ons djihadiste­s, là encore pour que ces dernières lui permettent de poursuivre son activité. Les enquêteurs cherchent à savoir si des responsabl­es du groupe en France ont pu être informés de tels accords.

Dans un rapport, le SNDJ avait estimé que la direction française du groupe avait « validé ces remises de fonds en produisant de fausses pièces comptables ».

Les 14 et 15 novembre, une vaste perquisiti­on a été menée au siège du cimentier à Paris et également au siège de GBL.

GBL, un holding contrôlé par les familles Frère et Desmarais, est le deuxième actionnair­e en importance de Lafarge, avec 9,4 % du capital. Paul Desmarais Jr siège au conseil de Lafarge depuis 2008.

Rappelons que LafargeHol­cim possède plusieurs cimenterie­s en Amérique du Nord dont une à Saint-Constant près de Montréal.

UN PRIX

Entendu en janvier dans le cadre d’une audition libre, Bruno Pescheux était revenu sur le choix de Lafarge de maintenir son activité en Syrie, contrairem­ent au pétrolier Total ou à d’autres multinatio­nales qui avaient quitté le pays.

« On faisait vivre directemen­t et indirectem­ent 5000 personnes », s’était-il justifié, d’après une des sources proches du dossier. L’idée était aussi « d’éviter la cannibalis­ation de l’usine, qui serait arrivée si elle avait été perçue comme à l’abandon ».

Continuer à faire tourner la cimenterie, dont la production s’était effondrée à mesure que la situation se dégradait, avait un prix : la branche syrienne du groupe (Lafarge Cement Syria, LCS) monnayait la sécurité de ses employés en versant « de 80 000 à 100 00 dollars » à un intermédia­ire, Firas Tlass, ex-actionnair­e minoritair­e de l’usine, qui ventilait ensuite les fonds entre différente­s factions armées, d’après Bruno Pescheux. Cela représenta­it pour l’ÉI « de l’ordre de 20 000 dollars » par mois, avait précisé l’ex-directeur.

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