Le Journal de Montreal

Il faut frotter les oreilles des Anglos

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

En anglais, on dit « Practice makes perfect ! », ce qu’on traduit en français par « C’est en forgeant qu’on devient forgeron ! » C’est le principe que Téléfilm a décidé de mettre en pratique cette semaine pour ressuscite­r le cinéma canadien. S’il a encore quelque notoriété, il la doit au cinéma québécois et à ses réalisateu­rs, devenus des vedettes internatio­nales.

Les films anglophone­s ne sont pas sans qualité, mais le public les boude. Ce ne fut pas toujours le cas. Le cinéma anglophone a connu de très beaux jours. Qu’on pense à Meat Balls et Porky’s, deux comédies débiles qui n’en ont pas moins recueilli 43 et 111 millions $ au box-office. Mais c’était en 1979 et en 1982.

David Cronenberg, notamment avec The Fly, Dead Zone et A History of Violence, a donné quelque lustre au cinéma anglophone. Mais c’était dans les années 1980. Si Cronenberg a continué de monter en estime auprès de ses pairs, ses derniers films n’ont pas eu grand succès. Maps to the Stars, son dernier né, n’a rapporté que 350 000 $ au Canada et moins de 1 million $ dans le monde.

En 2002, My Big Fat Greek Wedding a fait un malheur. Des recettes de 240 millions $ pour un film qui avait coûté seulement 5 millions $. Même s’il s’agit d’une production américano-canadienne, il faut y chercher le Canada à la loupe.

Il y a deux ans, Brooklyn a bien fait aussi 40 millions $ au box-office et trois nomination­s aux Oscars, mais c’était une coproducti­on avec l’Irlande, la Grande-Bretagne et la Belgique. À part la photograph­ie d’Yves Bélanger et les images de Montréal, déguisé en Brooklyn, il n’y avait pas grandchose de canadien dans ce long métrage remarquabl­e.

INSPIRÉE PAR LE QUÉBEC

Sans doute inspirée par le Québec, où on tourne, bon an, mal an, une quarantain­e de longs métrages, Carole Brabant, la PDG de Téléfilm, prend le taureau par les cornes. À compter de l’an prochain, le programme de production à microbudge­t, rebaptisé « Talents en vue », financera 50 films par an à raison de 120 000 $ chacun. Les aspirants n’auront pas besoin de faire de salamalecs pour toucher la subvention. N’importe quel court métrage digne de ce nom leur servira de sésame.

Dès qu’un long métrage aura connu du succès dans un festival reconnu, son réalisateu­r recevra un laissez-passer quasi automatiqu­e valant un demi-million de dollars pour son prochain long métrage.

UN COUP D’ÉPÉE DANS L’EAU ?

Un changement de cap majeur ! En outre, il permettra d’atteindre la parité homme/femme au cinéma et d’ouvrir grande la porte aux talents autochtone­s. L’an dernier, Téléfilm a investi dans 15 films à petit budget. Leur nombre fera donc plus que tripler en 2018.

Tous ces efforts et tout cet argent public (plus de 100 millions $ par an) ne seront qu’un coup d’épée dans l’eau si les anglophone­s demeurent indifféren­ts à leur cinéma. Pour les faire bouger, Téléfilm devra accorder bien plus que les 28 millions $ qu’elle consacre déjà à la promotion et à la mise en marché de nos films.

Il faudra surtout qu’on trouve le moyen de « frotter les oreilles » des médias anglophone­s qui n’en ont que pour les films américains. Ne serait-ce pas là une belle croisade à entreprend­re pour Mélanie Joly, la ministre du Patrimoine ?

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Qu’est-ce qui rend le mot « patrimoine » si masculin ? Est-ce que ce sont les deux premières syllabes ou les deux dernières ?

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