Dans l’eau avec les maîtres nageurs
Tout au long du mois de décembre, notre chroniqueuse participera à des entraînements de certains clubs récréatifs afin d’en relater son expérience. Peut-être de l’inspiration à venir pour vos objectifs de la nouvelle année? À l’essai cette semaine : l’entraînement des maîtres nageurs.
Il est 5 h 30. Le mat du Stade olympique se dresse devant moi. Quelques silhouettes se découpent dans la noirceur du petit matin, marchant d’un pas décidé vers le centre sportif. On ne se retrouve pas ici par hasard. On se retrouve ici, après s’être réveillé très tôt et avoir quitté une maison chaude et endormie, Thermos de café en main.
À l’intérieur du stade, une dizaine de nageurs socialisent, tout sourire, dans la lumière affirmée des fluorescents du stade nouvellement rénové. On entre dans un autre monde.
À LA RENCONTRE DES NAGEURS
François, Alexandre, Marius et André nagent ensemble, ici, depuis 25 ans. Ils sont quatre de la trentaine de sportifs motivés qui s’entraînent deux ou trois fois par semaine, dès 6 h, avec le club des maîtres nageurs de Neptune Natation.
«Je me suis levé à 4 h 30 ce matin, à cause de la petite neige», me dit Marius, 63 ans. Le nouveau retraité installé à Chertsey dans Lanaudière fait le voyage pour retrouver son groupe de nageurs trois fois par semaine, douze mois par année.
Le nageur est de retour à la maison, alors que la journée débute pour la majorité. «On ne dérange personne en nageant aussi tôt : tout le monde dort», me précise Marius.
C’est ce que bien des nageurs me répéteront, comme raison de sauter dans l’eau aussi tôt un lundi matin. Ne pas « déranger», et se pousser à fond dans un contexte social agréable. «C’est ma thérapie dans l’eau », me dit Julie, qui profite du silence des profondeurs pour réfléchir et décrocher.
Dans les premiers corridors, il y a Alexandre, triathlète depuis 20 ans, Mylène, qui participe à des compétitions de natation en visant le podium, et Marius, dont la retraite n’est pas une excuse pour ralentir. Je rencontre aussi Valy, qui s’est rabattue sur la natation, plus doux pour le corps que la course; Alain, qui préfère partir avant l’aube de Boucherville et s’entraîner plutôt que combattre le trafic un peu plus tard; Line et Luc, qui nagent ensemble depuis des décennies, après s’être rencontrés aux maîtres; Nathalie, qui a choisi de passer des estrades à l’eau «tant qu’à faire», en accompagnant son beau-fils à ses entraînements compétitifs, et Jérôme, qui considère que de se coucher tôt est son véritable défi.
Des nageurs de tous âges, de tous niveaux, de tous parcours, dont le chemin ne se serait peut-être jamais croisé ailleurs que dans ces aller-retour dans l’eau. Ici, on est tous — et que — des nageurs.
À L’EAU
Benoît Grenier, l’entraîneur en chef, nous présente l’entraînement par bloc. Les nageurs sont répartis par corridor, selon leur vitesse de croisière. Je me place dans le «moins rapide», retrouvant timidement mes repères dans l’eau après une pause de quatre ans.
Le souffle trouve son rythme, tranquillement, alors que tout le corps tente de se rallier pour flotter, et progresser. Au fond de l’eau, la ligne noire qu’on fixe, les pensées vagabondantes ou endormies, pendant que le corps adopte une cadence méditative.
Je prends plus de pauses que les autres, et reçois des encouragements en retour.
« Certains nagent plus de 3000 mètres pendant la séance, d’autres, entre 15002000 mètres», explique Benoît Grenier. J’en ferai à peine mille.
Je partagerai toutefois la même douce fatigue musculaire et le sourire satisfait des autres nageurs. Après une douche rapide, à 7 h 45, je prends le relais du conjoint, accueillie par mes deux jeunes enfants aux cheveux toujours en bataille. Pratiquement ni vu ni connu, j’entame la préparation prégarderie, mon entraînement au petit matin comme un doux secret dont les bienfaits ne seront pas gardés que pour moi. Il me semble que le café n’a jamais été aussi bon.