Le Journal de Montreal

Le mirage du monorail

- ANTOINE ROBITAILLE

Le débat qui a éclaté au sujet du projet de « monorail » me semble très révélateur.

Le 26 novembre, en clôture du congrès libéral, Philippe Couillard mettait au défi le Québec d’élaborer un projet de liaison rapide entre Montréal et Québec aussi « emballant » que le Réseau électrique métropolit­ain que la Caisse de dépôt bâtit à Montréal. Il parlait de « projet phare », moderne, durable, « futuriste », « pas un autre train ».

Depuis, un déluge de critiques s’est abattu sur la propositio­n. Certaines sont pertinente­s.

TECHNIQUES ET ESTHÉTIQUE­S

D’abord, les reproches techniques. Même s’il ne prônait pas explicitem­ent un « monorail » comme celui imaginé par l’ingénieur québécois Pierre Couture, M. Couillard a en conférence de presse, vanté cette avenue.

Il a même fait référence au reportage enthousias­te que l’émission

Découverte de Radio-Canada avait consacré à cette vision.

Plusieurs ont donc fait valoir qu’une telle technologi­e n’avait jamais été vraiment développée et encore moins testée. Les promoteurs réclament d’ailleurs depuis des années de l’argent pour faire un banc d’essai de 5 kilomètres.

Hier, notre Bureau d’enquête dévoilait une étude dévastatri­ce commandée par l’Associatio­n de l’aluminium du Canada au sujet de la technique du monorail : entre autres, les virages sur l’autoroute 20 seraient trop serrés pour un véhicule suspendu circulant à 250 km/h. Inquiétant.

D’autres critiques sont esthétique­s : un monorail installera­it une hideuse barrière de poteaux dans le terre-plein de l’autoroute 20 sur 250 kilomètres ! Ça pourrait en effet être très laid.

TACTIQUE

On critique aussi politiquem­ent M. Couillard. Il aurait instrument­alisé cette question à des fins tactiques, de manière cynique.

Après une fin de semaine à rappeler les 150 ans d’existence du PLQ, – y compris les ères Gouin, Taschereau ET Charest… –, M. Couillard voulait désespérém­ent clore les travaux en se tournant vers le futur.

Ses conseiller­s et lui ont du reste bien remarqué qu’à Montréal, Denis Coderre a tout perdu en faisant campagne sur son bilan. Pendant ce temps, Valérie Plante faisait rêver avec son projet de « ligne rose ».

M. Couillard martèle maintenant de manière presque obsessive l’expression « nouveau Québec à construire » afin de mieux rejeter François Legault et la CAQ, aux « solutions du siècle dernier », aux « faux changement­s ». Évoquer un projet futuriste Montréal-Québec, même imprécis, même non chiffré, ne pouvait pas nuire…

Après tout, la politique, disait le sociologue allemand Max Weber, c’est « le goût de l’avenir ».

IMPROVISÉ

En lançant ce défi technique gigantesqu­e, M. Couillard a toutefois paru très peu préparé, un brin velléitair­e. M. Legault a raison d’y voir une improvisat­ion. Il y a un aspect « mirage » à toute cette opération qui fait totalement fi du projet de TGF de Via, infiniment plus avancé, mais bloqué, justement, par le REM de la Caisse.

On aurait tort toutefois de rejeter totalement, à long terme, le type de défi lancé par le premier ministre. Répondre à celui-ci par un « ça ne s’est jamais fait » est un peu court. Sommes-nous devenus incapables d’inventer au Québec ? D’avoir un peu d’ambition ?

Il y a un aspect « mirage » à toute cette opération futuriste.

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