Le Journal de Montreal

Lemieux a brûlé ses navires

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

Quand David Lemieux a appris qu’il allait affronter Billy Joe Saunders pour le championna­t du monde WBO, il a réuni son équipe. Marc Ramsay, Luc-Vincent Ouellet et les autres gars qui travaillen­t avec lui. Et le discours n’a pas été trop long : « On ne va pas juste se battre pour un titre mondial, on va gagner le championna­t. Pas question d’une autre mission. C’est la victoire et seulement la victoire qu’on veut », a-t-il dit à ses hommes.

Quand le promoteur Camille Estephan raconte l’histoire, il est immensémen­t fier de son boxeur : « C’est ça un leader. Fixer un objectif et ne rien accepter de moins que l’objectif atteint. Je lui racontais qu’il avait fait comme Hernan Cortes quand il a conquis le Mexique. Il a brûlé ses bateaux, il n’y avait plus de retour possible en arrière », de dire Estephan.

C’est une des histoires folles de l’histoire du monde. Hernan Cortes, c’est encore plus improbable que les conquêtes d’Alexandre le Grand. Il est débarqué avec moins de 1000 hommes au Yucatan, là où on trouve maintenant Cancun, et s’est lancé à l’attaque du pays qu’il avait devant lui. Il s’était déjà offert Cuba au passage.

Mais comment 1000 hommes ont-ils pu vaincre des centaines de milliers de soldats et d’ennemis aztèques, c’est une aventure fabuleuse. Qui a fait que toute l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud parlent espagnol… à l’exception du Brésil.

C’était une aventure périlleuse que Cortes imposait à ses soldats, tellement qu’un certain mois de juillet 1519, plusieurs de ses soldats voulaient rentrer en Espagne pour savourer la vie avec les richesses déjà volées aux Aztèques. Dans la nuit, Cortes aidé par ses lieutenant­s, a tout simplement mis le feu à ses navires : « Maintenant, il n’y a plus moyen de rentrer chez nous. On n’a plus le choix, il faut vaincre Moztezuma et les Aztèques ou mourir.»

C’est ce qu’a dit Lemieux : les bateaux sont brûlés, il faut maintenant gagner ce combat contre Billy Joe Saunders.

50-50 CONTRE GOLOVKIN

David Lemieux a pris le temps d’expliquer le sens de son interventi­on : « Quand je dis que j’ai changé depuis ma défaite contre Gennady Golovkin, c’est un peu ça que je veux dire. Contre Golovkin, je suis parti pour le combat avec une attitude de 50-50. Cette fois, je pars avec une conviction à 100 p. cent que je vais gagner. J’ai remarqué que je suis bien plus efficace quand je ne me laisse pas de marge de manoeuvre », d’expliquer Lemieux.

C’est ce qu’on a vu contre Curtis Stevens à Verona. Stevens avait été baveux et arrogant à souhait avant le combat. Et Lemieux était dans un état de tueur à gages quand il a entrepris le combat. Trois petites rondes plus tard, Stevens était envoyé à l’hôpital.

Lemieux a donné de nombreuses entrevues hier. Jamais il n’a changé de discours. Jamais il n’a laissé planer le moindre doute. Effectivem­ent, il a changé depuis Golovkin. Il est plus massif, il a les épaules et la nuque plus puissantes. Et s’il a toujours su se battre, Lemieux a appris à boxer. Comme il le dit lui-même, c’est une grande différence.

DES PLAINTES À L’HÔTEL

Billy Joe Saunders et son entourage ont pris d’assaut le gymnase Sherbatov à Laval. Ils ont été bruyants, envahissan­ts et fidèles à ce qu’on raconte sur eux.

Ils n’ont passé qu’une nuit au Sheraton à Laval et déjà la direction de l’hôtel a commencé à murmurer. Ils sont impolis, veulent faire facturer à leur chambre ce qui devrait être payé avec les per diem et ne sont pas des clients aussi commodes qu’espérés.

C’est peut-être une question d’adaptation à un nouvel environnem­ent. Chose certaine, personne là-dedans n’a le moindre doute sur l’issue du combat. Et Billy Joe Saunders le premier se comporte comme un conquérant en territoire occupé. Hier, son fils Steven, un charmant petit bonhomme, s’est amusé dans le ring avec son père. Lors de la pesée du combat Saunders-Monroe, il était monté sur la scène pour donner des coups de pied à Monroe.

Cette fois, faudrait pas faire fâcher mon oncle Michel Hamelin…

Et puis, comment se fait-il que cet enfant ne soit pas à l’école ? Un membre du groupe m’a expliqué gentiment que chez les gypsies anglais, les histoires d’école ne préoccupai­ent pas beaucoup les parents.

On le sait, Saunders raconte qu’il a quitté l’école à 11 ans. Je peux témoigner que s’il écrit de façon pour le moins douteuse, il jase fort bien et répond aux questions avec une belle éloquence.

En fait, j’espère seulement que David Lemieux ne tombera pas dans le piège et qu’il ne montera pas dans le ring avec l’idée de donner une leçon à un homme encombrant.

La mission, une fois les bateaux brûlés, ce n’est pas de donner une leçon, c’est de gagner un combat et un championna­t.

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PHOTO MARTIN ALARIE David Lemieux dit avoir remarqué qu’il est bien plus efficace quand il ne se laisse pas de marge de manoeuvre.
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