Le Journal de Montreal

Un parasite tropical dans le sang

Une maladie du Sud potentiell­ement mortelle circule en douce dans les veines de milliers de Canadiens

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S Héma-Québec a repéré le parasite responsabl­e de la maladie de Chagas chez quatre potentiels donneurs de sang entre 2009 et 2011.

Des milliers de Canadiens pourraient être affectés par un parasite d’Amérique latine potentiell­ement mortel à cause d’une transfusio­n sanguine ou parce qu’ils sont nés d’une mère infectée, préviennen­t des scientifiq­ues.

Nous sommes face à « un réel problème de santé publique », prévient Momar Ndao, directeur du Centre national de référence en parasitolo­gie, à l’Institut de recherche du Centre universita­ire de santé McGill.

En collaborat­ion avec une équipe de spécialist­es en médecine tropicale et en médecine de laboratoir­e de Winnipeg et de Montréal, le Dr Ndao vient de publier une analyse sur la maladie de Chagas, dans la revue médicale The Canadian Medical Associatio­n Journal.

Cette maladie méconnue, un mal parasitair­e responsabl­e de 50 000 morts par an en Amérique latine, circule au Canada.

« Les individus potentiell­ement infectés mais non diagnostiq­ués se comptent par milliers », indiquent-ils.

Le parasite se transmet par la morsure du trianome, une variété de punaise qui se nourrit de sang. Bien que cet insecte tropical ne survive pas ici, le parasite est présent, car il se transmet aussi de la mère à l’enfant par le placenta et par le sang.

Pour la première fois au Canada, l’équipe de Momar Ndao a documenté trois cas de maladie de Chagas au sein d’une même famille, un homme et deux femmes nées à Winnipeg d’une mère paraguayen­ne porteuse du parasite.

SANG CONTAMINÉ

Aucun ne se savait contaminé, si bien que l’un d’eux a donné du sang régulièrem­ent pendant des années. Il n’a été exclu qu’en 2010.

La Société canadienne du sang distribue du sang partout au pays, sauf au Québec, où Héma-Québec prend le relais. Ce n’est qu’entre 2009 et 2010 que les deux organisati­ons ont enrichi leur questionna­ire d’identité des donneurs.

« Si j’avais reçu une transfusio­n sanguine avant 2010, je demanderai­s à être testé pour la maladie de Chagas », dit le Dr Ndao.

Toutes les personnes dont la mère est née dans un pays endémique devraient également se faire tester, ajoute son collègue le Dr Pierre Plourde, directeur médical de la clinique santé-voyage de l’Office régional de la santé de Winnipeg.

Pierre Plourde indique que le questionna­ire mis en place par les banques de sang est efficace pour capter les personnes à risque. Il s’inquiète toutefois des donneurs d’organes qui ne sont pas, eux, testés pour la maladie de Chagas.

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PHOTO COURTOISIE, INSTITUT DE RECHERCHE DU CUSM Le Dr Momar Ndao emprisonne le parasite responsabl­e de la maladie de Chagas sur une lame pour l’étudier au microscope.

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