Le Journal de Montreal

Monsanto bouleverse l’agricultur­e américaine

Des experts inquiets de voir le géant de l’agrochimie dicter ce qui sera disponible dans la chaîne alimentair­e

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NEW YORK | (AFP) Monsanto, en créant de nouvelles semences de soja et de coton génétiquem­ent modifiées pour résister à un herbicide controvers­é, a ravivé les craintes d’une mainmise encore plus importante sur ces marchés au moment où le secteur ne cesse de se concentrer.

Le géant de l’agrochimie a développé ces graines pour permettre aux fermiers d’épandre abondammen­t sur leurs champs du dicamba, un produit chimique cousin du glyphosate et particuliè­rement efficace contre certaines mauvaises herbes, même quand le soja ou le coton est déjà sorti de terre.

Le succès a été immédiat : dès leur deuxième année de commercial­isation, en 2017, les semences étaient utilisées sur plus de 20 % des champs de soja aux États-Unis et environ la moitié des champs de coton.

Dans sa volonté d’inonder le marché, le géant de l’agrochimie a gagné mardi une bataille dans l’Arkansas : les législateu­rs de l’État ont décidé de ne pas suivre les recommanda­tions d’une agence qui préconisai­t de limiter drastiquem­ent l’utilisatio­n de ce produit.

Les nouvelles versions du dicamba commercial­isées par Monsanto, BASF et DowDupont, auraient en effet tendance à s’éparpiller involontai­rement dans le champ des voisins. Certains agriculteu­rs ont du coup acheté les nouvelles semences de Monsanto juste pour se protéger de l’herbicide.

MODIFICATI­ONS GÉNÉTIQUES

D’autres n’avaient pas l’intention d’utiliser le dicamba sur leurs plantes, mais se sont laissé convaincre par les promesses de meilleurs rendements apportées par les diverses modificati­ons génétiques incorporée­s dans les nouvelles graines.

Nathan Reed, agriculteu­r dans l’Arkansas s’inquiète lui de voir les production­s organiques ou non génétiquem­ent modifiées être mises en péril.

Sur son exploitati­on, « on utilise majoritair­ement des semences non-OGM, non parce que nous sommes anti-OGM, mais parce qu’on a trouvé un marché de niche », expliquait-il récemment lors d’une réunion publique sur le dicamba. Une autorisati­on sans restrictio­n du dicamba « menacerait notre capacité à le faire ».

Le géant de l’agrochimie « mène depuis déjà un certain temps une stratégie visant à contrôler le marché des semences biotech », estime Kyle Stiegert, économiste spécialisé en agricultur­e à l’université du Wisconsin. « Avec le dicamba, c’est une nouvelle étape dans cette direction. »

60 % DU MARCHÉ

L’entreprise, explique-t-il, a comme ses principaux concurrent­s multiplié au cours des 20 dernières années les acquisitio­ns de plus petits fabricants de semences. Monsanto est luimême en train de fusionner avec son concurrent allemand Bayer et les deux groupes contrôlent notamment environ 60 % du marché des semences de coton aux États-Unis.

« Ils peuvent maintenant décider dans quelles variétés ils incluent telle ou telle technologi­e, et les agriculteu­rs n’ont pas vraiment le choix », remarque l’économiste.

« On laisse de grosses entreprise­s dicter ce qui sera in fine disponible dans la chaîne alimentair­e, c’est un vrai problème », estime-t-il.

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Monsanto a créé des semences de soja et de coton génétiquem­ent modifiées afin qu’elles résistent au dicamba, un pesticide cousin du glyphosate, également commercial­isé par l’entreprise américaine. PHOTO AFP

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