Le Journal de Montreal

UNE VISITE CHAUD QUI FAIT AU COEUR

Terrasse par un AVC en avril 2016 et incapable de parler depuis, Jacques Demers a recu son capitaine Guy Carbonneau a l'hopital avant les Fetes.

- PIERRE DUROCHER pierre.durocher@ quebecorme­dia.com pierre.durocher @quebecorme­dia.com

S’il pouvait encore parler, l’ancien entraîneur du Canadien lui aurait lancé, sur un ton joyeux : « Comment ça va, mon capitaine ? »

Malheureus­ement, Jacques a dû se contenter de sourire et son regard est devenu embué par l’émotion.

Il n’y a plus que quelques mots qui sortent de la bouche de cet homme qui était reconnu comme un verbomoteu­r, jusqu’à ce qu’il soit terrassé par un AVC le 6 avril 2016.

À notre arrivée, une préposée de l’hôpital s’empressait de terminer la toilette de Jacques dans un coin de la chambre.

Il a ensuite approché son fauteuil roulant électrique près de la fenêtre afin d’être en mesure de nous serrer la main librement. La main gauche, doit-on préciser, car tout le côté droit de son corps est paralysé.

Jacques répond par des oui ou par des non lorsqu’on lui pose des questions. On sent la frustratio­n grandir en lui lorsqu’il essaie de nous en dire davantage.

Il parle alors avec ses yeux, car s’il est prisonnier de son corps, il a encore l’esprit bien allumé.

Cet homme de 73 ans, qui ne restait jamais en place, est maintenant cloîtré dans une chambre d’un centre de réadaptati­on, offrant des soins de longue durée.

Jacques a toujours été reconnu comme un battant. Des moments difficiles, il en a surmonté plusieurs au cours de sa vie.

Son enfance n’a pas été facile. Il était le souffre-douleur de son père, qui le traitait de vaurien. Et tout le monde connaît l’histoire au sujet de son analphabét­isme, ce qui ne l’a pas empêché de se bâtir une très belle carrière comme pilote dans la LNH.

Durant les 30 minutes qu’on a pu passer en compagnie de Jacques Demers à l’hôpital, à quelques jours de Noël, on l’a surtout senti heureux lorsque Carbonneau et l’auteur de ces lignes ont discuté de sujets reliés au hockey et au Canadien. Il aurait tellement aimé être en mesure de participer à la conversati­on.

Ça lui manque terribleme­nt de pouvoir donner son opinion sur le rendement du club qu’il a dirigé vers la conquête de la coupe Stanley en 1993, comme il le faisait avant de subir un accident vasculaire cérébral.

Il a esquissé un large sourire lorsque Carbo lui a fait part de son intention d’organiser une réunion des membres de la formation championne de 1993 en avril prochain afin de souligner le 25e anniversai­re de cette conquête de la coupe. Jacques hoche la tête lorsqu’il

est question de la première moitié de saison difficile du Canadien, lui dont le lit d’hôpital est orné d’une épaisse couverture aux couleurs du CH.

C’est évident qu’il n’aime pas ce qu’il voit certains soirs lors des matchs qu’il suit sur son téléviseur ou lorsqu’il feuillette le Journal de Montréal, qui lui est livré chaque matin à sa chambre, pour jeter un coup d’oeil aux pages consacrées à la couverture du Canadien.

SORTIES AU RESTAURANT

Son épouse Debbie s’est réjouie de cette visite de Guy Carbonneau parce qu’elle sait jusqu’à quel point Jacques aime revoir ses anciens joueurs. Ça lui fait du bien au moral.

L’été dernier, c’est Denis Savard qui est allé saluer son ancien entraîneur.

Les sorties sont peu fréquentes pour Jacques. Deux soirs par semaine, il se retrouve attablé à son restaurant préféré aux côtés de sa douce moitié. Des membres de la famille les accompagne­nt, à l’occasion.

Ça lui demande beaucoup d’efforts de se déplacer, malgré le fait que l’hôpital offre du transport adapté.

Le couple passe aussi du temps à son condo, comme c’est le cas en cette fête de Noël.

CONDITION STABLE

Réjean Houle est l’un des visiteurs les plus réguliers à la chambre de Jacques Demers. Le président des anciens Canadiens ne manque pas non plus d’aller visiter Henri Richard, frappé durement par la maladie d’Alzheimer. La vie et le destin peuvent être cruels. Ces deux grands hommes de hockey sont très diminués physiqueme­nt et ils ne peuvent malheureus­ement rien y changer.

Même si Jacques reçoit des traitement­s de physiothér­apie quelques fois par semaine, sa condition physique n’évolue pas, ou si peu. On la qualifie de « stable ».

L’AVC qu’il a subi a été trop sévère, en plus d’avoir été suivi par un autre malaise peu de temps après que l’ancien instructeu­r eut été acclamé par la foule en octobre 2016 au Centre Bell, où il avait été appelé à remettre le flambeau au capitaine Max Pacioretty.

Jacques grimace lorsqu’on lui demande comment ça va. Il est conscient qu’il ne retournera pas travailler à la télévision, qu’il ne reprendra pas le cours d’une vie normale. Les dommages semblent être irréparabl­es, malgré les progrès de la science et de la médecine.

LE MESSAGE DES BOYS

Cet homme si cordial et si généreux, qui savait toujours utiliser les bons mots d’encouragem­ent lorsqu’une connaissan­ce traversait une épreuve, ne peut plus transmettr­e ses ondes positives par la parole.

Son coeur reste toutefois rempli d’amour et de compréhens­ion. Ses yeux transmette­nt toujours la même bonté. « Jacques, je veux que tu saches qu’on pense souvent à toi et qu’on t’aime. Tous les gars de l’émission

L’Antichambr­e te saluent », lui lance chaleureus­ement Carbonneau avant de quitter la chambre, laissant son ancien mentor avec ses bons souvenirs d’une époque glorieuse pour le Canadien.

À l’extérieur de l’hôpital, un vent glacial souffle fort, mais Carbo est heureux que sa visite ait fait chaud au coeur à son ancien coach, qui a besoin de tout le réconfort possible.

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1. À quelques jours de Noël, Guy Carbonneau est allé saluer Jacques Demers à l’hôpital, ce qui a fait grand plaisir à l’ancien entraîneur victime d’un AVC en avril 2016. 2. Denis Savard est un autre ancien joueur de la formation championne de 1993 que...

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