Le Journal de Montreal

« La maladie a volé ma trentaine»

Noël prendra une significat­ion toute particuliè­re pour Natasha Lirette cette année. Depuis 2011, elle combattait un cancer de l’utérus et souffrait des effets dévastateu­rs de ses traitement­s. Mais cette année, la femme de 39 ans pourra enfin passer le tem

- DAVID RIENDEAU Collaborat­ion spéciale

« J’espère passer le plus de temps possible avec ma famille, spécialeme­nt avec mes deux filleules. À Noël, j’offrirai des cadeaux faits à la main pour tous ceux qui m’ont soutenu ces dernières années. »

Depuis cet automne, Natasha Lirette se sent revivre. Son corps ne porte plus de traces du cancer et son intestin s’est remis à fonctionne­r normalemen­t après une délicate chirurgie de reconnexio­n. Sur son ventre, de multiples cicatrices témoignent du long calvaire qu’a enduré la résidente de Donnacona ces dernières années.

Le 14 février 2011, à 33 ans, elle a appris qu’une tumeur de six centimètre­s de diamètre grandissai­t dans son utérus. Voilà pourquoi elle souffrait de saignement­s persistant­s depuis des mois. « J’ai eu l’impression de tomber dans un tunnel sans fond, se souvient-elle. J’entendais les voix autour de moi sans les comprendre. »

Ses médecins lui ont prescrit un traitement-choc : sept séances de chimiothér­apie et 25 séances de radiothéra­pie à l’Hôtel-Dieu de Québec. Étant donné la taille de la tumeur, on a aussi sorti l’artillerie lourde avec la curiethéra­pie. Pendant cinq jours, son utérus a été irradié à l’aide de tiges de métal. « C’est comme si la bombe d’Hiroshima explosait à l’intérieur de moi. Au bout de 24 heures, quelqu’un du personnel médical s’est rendu compte que l’aiguille qui devait me donner de la morphine était ressortie de mon bras », raconte-t-elle.

EFFETS SECONDAIRE­S

L’histoire de cette désigner graphique, amatrice de tricot et de peinture, aurait pu s’arrêter ici. Hélas, ses traitement­s auront des effets secondaire­s dévastateu­rs. « Un an s’était écoulé et j’avais toujours des diarrhées et des saignement­s. La douleur était tellement forte que je me sentais m’évanouir chaque fois que j’allais aux toilettes. »

Au printemps 2012, un nouveau diagnostic est tombé : les radiations avaient brûlé sa vessie, une partie de son côlon et ses ovaires. « À 34 ans, je tombais en ménopause et je pouvais dire adieu à mon rêve d’avoir des enfants. »

LA MALADIE AU QUOTIDIEN

À cette époque, Natasha traînait constammen­t avec elle une trousse de médicament­s et de crèmes analgésiqu­es que lui avait prescrits son oncologue pour endiguer les effets des radiations. « Mes collègues m’appelaient la pharmacie ambulante. Je prenais 17 pilules différente­s par jour. »

Célibatair­e vivant seule, elle a dû compter sur un emploi à temps partiel pour joindre les deux bouts. « Quand je tombais en arrêt de travail, je recevais seulement la moitié de mon salaire. En même temps, je pouvais dépenser 400 $ par mois en frais de déplacemen­t pour me rendre à l’hôpital. J’ai frôlé la faillite trois fois. »

Heureuseme­nt, ses proches ne l’ont pas laissée tomber. Des amis ont organisé des collectes de fonds, des collègues ont passé le chapeau pour lui offrir un chiot qui lui tient aujourd’hui compagnie et une connaissan­ce est même venue déneiger son entrée l’hiver. « Sans eux, je ne serais plus de ce monde, mais arrive un moment où tu te sens mal de devoir toujours demander de l’aide aux autres, confie-t-elle. Tu ne te considères plus comme une personne; tu es juste une malade. »

DE MAL EN PIS

Les mois ont passé sans que Natasha aperçoive la lumière au bout du tunnel. Devant l’absence de progrès, un second oncologue lui a proposé de suivre des traitement­s en chambre hyperbare à l’Hôtel-Dieu de Lévis. Si les tissus de son côlon guérissaie­nt, elle pourrait éviter une chirurgie de reconnexio­n ou pire, l’installati­on permanente d’un sac de stomie (sac collé sur l’abdomen qui recueille les selles). À l’automne 2014, elle s’est rendue 50 fois en chambre hyperbare. Les résultats des premiers tests étaient encouragea­nts.

Le répit a cependant été de courte durée. Pendant l’été 2016, les douleurs sont revenues, plus intenses que jamais. On a découvert qu’une partie de son côlon était tellement nécrosée qu’elle était aussi étroite qu’une paille. Les médecins ont opéré Natasha d’urgence pour éviter la mort par empoisonne­ment.

Le 22 septembre 2016, elle s’est réveillée avec un cathéter et un sac vers lequel était dévié son appareil digestif. « J’étais folle de rage. Le prix à payer pour guérir du cancer était tellement élevé! Je sentais que la maladie avait volé ma trentaine. » À contrecoeu­r, Natasha a dû vivre avec cette extension d’elle-même le temps que son corps soit capable de recevoir une chirurgie de reconnexio­n entre l’intestin et le rectum. Elle a rongé son frein pendant huit mois.

UN NOUVEAU DÉPART

Le 2 mai 2017, l’opération a été effectuée avec succès. Mais la convalesce­nce a été pénible. Son appareil digestif avait « oublié » comment fonctionne­r et n’avait plus aucune retenue.

« J’avais vraiment peur de rester incontinen­te toute ma vie. Tu t’imagines porter des couches à 39 ans? » Les premières semaines, Natasha n’osait plus sortir de chez elle par crainte de ne pas trouver une toilette à temps.

Son intestin a lentement retrouvé ses fonctions. Au bout de trois mois, elle s’est permis d’aller faire ses courses en voiture. Une petite victoire.

Aujourd’hui, Natasha a la conviction qu’elle reprend sa vie là où elle l’avait laissée, le 14 février 2011.

« Je n’ai plus aucune chirurgie qui m’attend. C’est une grande libération pour moi. Je me suis remise à peindre, à sculpter et à tricoter. J’ai même une vie sociale », lance-t-elle en riant.

Étonnammen­t, Natasha, qui fêtera ses 40 ans le 5 janvier prochain, ne ressort pas aigrie de sa longue croisade contre la maladie.

« Je regarde mes amis et les gens de mon entourage. Ils sont fiers de leur mariage, de leurs enfants et de leur carrière. Même si je n’ai rien de tout cela, je ressens une immense fierté d’avoir traversé toutes ces épreuves. Je me suis découvert une force que je ne soupçonnai­s pas. J’ai vaincu. »

« J’ÉTAIS FOLLE DE RAGE. LE PRIX À PAYER POUR GUÉRIR DU CANCER ÉTAIT TELLEMENT ÉLEVÉ ! »

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