Le Journal de Montreal

Se confier par texto à Tel-jeunes

L’organisme reçoit pour la première fois plus de messages textes que de téléphones

- DOMINIQUE SCALI

Un texto entre chez Tel-jeunes : « Allô, je me suis fait agresser ». L’intervenan­t engage alors une conversati­on par messages textes avec l’adolescent, un moyen qui a détrôné le téléphone pour se confier.

« Quand t’es en situation de panique, tu ouvres ton cell, tu textes », explique un jeune cité dans une étude réalisée par une chercheuse de l’UQAM sur le service d’aide par textos de Tel-jeunes.

Au cours des quatre dernières années, les intervenan­ts ont dû s’adapter à cette nouvelle façon de venir en aide. Au début, il était difficile de deviner si le jeune était un garçon ou une fille. Les conversati­ons pouvaient s’étaler sur toute une journée.

LONG À COMPRENDRE

« Parfois, ça peut me prendre une bonne demi-heure juste pour saisir ce que le jeune veut, raconte un intervenan­t dans l’étude. Ça commence par : “Ma vie [ne] vaut rien” et là, tu le questionne­s et il te répond “Bah je sais pas, c’est vous autres qui savez, c’est vous l’intervenan­t”. »

Tel-jeunes a donc développé un cadre spécifique pour les textos. À force d’essais et d’erreurs, les intervenan­ts sont devenus de plus en plus habiles à poser les bonnes questions et bien orienter les conversati­ons.

Le service par textos de Teljeunes a été lancé en 2013 après une baisse du nombre d’appels téléphoniq­ues. Un tel service existait déjà ailleurs dans le monde, comme aux États-Unis, mais il s’agissait d’une première au Canada. C’est pourquoi des chercheurs ont documenté l’initiative et interrogé des jeunes et des intervenan­ts pour comprendre ce qui pousse les jeunes à choisir ce moyen pour demander de l’aide.

« On est moins gêné de poser des questions niaiseuses [par texto] », explique un jeune rencontré par les chercheurs.

Les filles ont aussi avoué apprécier le fait de pouvoir texter avec un intervenan­t dans des endroits publics, ou même en classe ou en famille. Les garçons, eux, étaient plus nombreux à préférer l’intimité de leur chambre pour se confier.

Dès le départ, les intervenan­ts ont reçu une « avalanche » de messages, explique Céline Muloin, présidente de l’organisme. Mais ce n’est que cette année que le texto a réellement détrôné le téléphone.

En 2017, Tel-jeunes recevait en moyenne 1135 demandes textos par mois contre 1025 par téléphone.

PROBLÉMATI­QUES LOURDES

« Ce à quoi on ne s’attendait pas, c’est la teneur des demandes », raconte Mme Muloin, qui croyait que les interventi­ons par textos allaient être plutôt courtes. Par exemple, le service apparaissa­it parfait pour une demande du genre : où trouver la pilule du lendemain ?

Or, les demandes par textos sont prisées des jeunes qui vivent des problémati­ques lourdes, comme les idées suicidaire­s et l’automutila­tion. « Des jeunes qu’on ne rejoignait peut-être pas autant avant », note Mme Mulouin.

Tel-jeunes croyait que l’ajout du texto permettrai­t aussi rejoindre plus de garçons, puisqu’environ 80 % des jeunes qui contactent Tel-jeunes sont des filles. « Mais ça ne s’est pas avéré », avoue Mme Muloin.

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CÉLINE MULOIN Présidente Tel-jeunes

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