Le Journal de Montreal

Elle est acquittée d’avoir résisté à son arrestatio­n musclée

Une juge souligne les contradict­ions dans les témoignage­s de quatre policiers

- VINCENT LARIN

« DES ÉLÈVES À MES COURS DE DANSE ME DEMANDENT D’OÙ VIENT MA CICATRICE AU BRAS. C’EST DUR DE LEUR EXPLIQUER QUE CE SONT DES POLICIERS QUI M’ONT FAIT ÇA ». – Majiza Philip

Une femme qui s’est fait casser le bras durant son arrestatio­n par quatre policiers à la sortie d’un concert il y a trois ans a finalement été blanchie des accusation­s qui pesaient contre elle pour avoir résisté.

« Je n’aurais pas pu espérer de plus beau cadeau pour Noël », lance Majiza Philip, 29 ans.

Une juge a conclu il y a une semaine que son arrestatio­n à la sortie d’un concert de Machine Gun Kelly en novembre 2014 était illégale, et l’a acquittée des accusation­s de voies de fait contre un agent de la paix et d’entraves qui pesaient contre elle.

LEÇON DE MORALE

La magistrate a aussi donné une sévère leçon de morale aux policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui l’avaient plaquée à l’arrière d’un véhicule de patrouille en soulignant les « nombreuses contradict­ions et invraisemb­lances » entre leurs témoignage­s.

« Pour quelle raison Philip a-t-elle été arrêtée ? […] La réponse : on ne le saura jamais ! » écrit la juge Katia Mouscardy.

Majiza Philip sortait de la salle de spectacle l’Olympia, sur la rue Sainte-Catherine, pour aller porter un manteau à son ami qui venait d’être expulsé du concert puis placé dans une voiture de patrouille parce qu’il avait trop bu.

La jeune femme prétend avoir toqué dans la fenêtre pour attirer son attention, mais les policiers avançaient plutôt qu’elle avait voulu fracasser la vitre de leur véhicule et tenté d’ouvrir la portière pour libérer son acolyte.

MATRAQUE ET CLÉ DE BRAS

Les policiers l’ont alors brutalemen­t arrêtée en utilisant une matraque pour immobilise­r son bras droit et une clé de bras pour le gauche.

À ce moment, elle a entendu son membre craquer. « J’en ai complèteme­nt perdu le contrôle », raconte-t-elle. Son humérus a été fracturé.

Une fois dans la voiture, une douleur aiguë a commencé à envahir son bras. Pourtant, elle proteste une fois rendue au poste lorsque les policiers appellent les ambulancie­rs. Elle était si traumatisé­e par son arrestatio­n qu’elle craignait qu’ils soient de connivence.

« Encore aujourd’hui, j’ai peur d’aller au centre-ville avec mes amies et de croiser des policiers », dit-elle.

Elle a finalement été accusée de voies de fait contre un agent de la paix et d’entrave au travail des policiers. Mais la juge a estimé que ces derniers n’avaient aucune raison d’arrêter la jeune femme et l’a acquittée le 21 décembre.

Mais Majiza Philip vit encore tous les jours les conséquenc­es de cette arrestatio­n, en plus d’avoir passé cinq mois avec le bras dans un plâtre et d’avoir perdu son travail de cuisinière en raison de sa fracture.

« J’ai eu du mal à dormir pendant deux ans, je suis encore une thérapie et je prends des médicament­s pour l’anxiété », décrit-elle pendant une rencontre au restaurant de la rue Saint-Antoine où elle s’est trouvé un nouveau travail comme gérante.

ELLE SONGE À POURSUIVRE

La jeune femme songe à engager un avocat pour poursuivre le SPVM et assure qu’elle déposera une nouvelle plainte en déontologi­e. Les deux dernières ont été rejetées.

« Oui, je veux avoir réparation pour les torts qu’ils m’ont faits, mais il doit y avoir des conséquenc­es pour les policiers », explique-t-elle.

Durant les vacances des Fêtes, il n’a pas été possible d’obtenir un commentair­e de la part du SPVM.

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PHOTO VINCENT LARIN Majiza Philip a dû subir une opération durant laquelle on lui a fixé une plaque de métal et six vis dans le bras après qu’elle s’est fait fracturer l’humérus par un policier en novembre 2014. Elle a rencontré Le Journal dans le restaurant où elle s’est...
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