À L’ESSAI : CLUB D’AVIRON
Tout au long du mois de décembre, notre chroniqueuse a participé à des entraînements de certains clubs récréatifs afin d’en relater son expérience. Peut-être de l’inspiration à venir pour vos objectifs de la nouvelle année ? À l’essai cette semaine : un entraînement du club d’avion de Montréal.
Tous les lundis et mercredis soirs pendant l’hiver, un petit groupe de rameurs récréatifs se rejoint au quartier des athlètes près du bassin olympique. L’été, ils lancent leur embarcation à l’eau.
« La ville au loin, les couchers de soleil, le silence coupé seulement par les bruits de nos rames… c’est le paradis », me dit Martine, 62 ans, qui s’est initiée à l’aviron il y a deux ans.
En cette soirée bien hivernale au froid mordant, direction salle d’ergomètres.
« Commencez par quatre fois 10 minutes à 16 », dit Joe Rochon, entraîneur du club d’aviron de Montréal.
APPRENDRE À RAMER
Joe Rochon me prend d’abord à part pour me montrer la base. « Tout le monde pense qu’on tire en aviron, alors qu’on pousse », m’explique-t-il. 60 % des jambes (extension), 30 % du dos (ouverture du tronc) et 10 % des bras (traction des mains) : voilà la contribution de chaque partie du corps dans la séquence d’effort. L’erreur classique est de trop solliciter les biceps, et pas assez les ischiojambiers.
« Imagine un ressort : tu pars en situation d’attaque bien groupée, puis tu exploses en puissance », me donne en exemple Steve, un adepte impliqué dans le CA.
Au-delà de la puissance, « être un bon ressort » nécessite une amplitude de mouvement, pour laquelle la flexibilité des hanches et celle des chevilles sont critiques. Deux prises dans mon cas, mais Joe Rochon m’offre quelques ajustements qui me soulageront bien vite.
Un exercice sur « slider » me permet enfin de mieux comprendre la liaison — et le transfert de charge — entre le haut et le bas du corps. « C’est une façon d’avoir un peu le feeling du bateau hors de l’eau. Si ta séquence n’est pas fluide, tu n’avances pas. » Cela me prend en effet quelques essais avant « d’avancer ».
DÉCOUVERTE DU BAC À RAMER
On passe au bac à ramer, où on se retrouve dans ce qui ressemble à un bateau fixe entouré d’eau. Dans mes mains, deux rames de neuf pieds. Deux autres choses auxquelles penser…
« Tes rames sont trop profondes », me répète Joe. Et il pourrait ajouter que mes bras ne sont pas synchronisés, que mes jambes sont paresseuses au détriment de mon dos qui compense de peine et de misère… Or, je garde mon attention sur une seule chose à la fois, tentant de faire toujours mieux à la prochaine séquence.
La classe me rejoint. Celle-ci s’affairait à développer sa force, en particulier celle essentielle de son tronc, dans la salle de musculation à côté.
Quelqu’un se place devant, quelqu’un se place derrière. Il me faut désormais suivre le rythme du groupe… ce qui s’avère plutôt difficile. Il ne m’est plus possible de me concentrer sur ma séquence seulement : je suis membre d’une équipe !
« Sur un vrai bateau, en plus, tu es très instable ! » me dit l’entraîneur. Traduction ? Sur l’eau, j’aurais chaviré une dizaine de fois, entraînant mes malheureux collègues de rame avec moi. Par chance, même l’été, l’entraîneur convie les nouveaux à des entraînements intérieurs afin de d’abord maîtriser la base au sec.
DES EXPLOSIONS ZEN
Le son des rames qui percent et balaient l’eau. C’est tout ce qu’on entend dans la salle du bac à ramer du Quartier des athlètes. Tout le monde est concentré, et synchronisé (tentative, dans mon cas), dans une danse zen où tout le corps s’implique dans des explosions puissantes, et répétitives. Tout donner, à chaque mouvement, et se reposer brièvement entre chaque séquence.
« Pour être un bon rameur, il faut une force mentale exceptionnelle, car le sport génère un grand volume d’acide lactique dans tout le corps », me dit Joe Rochon.
Je ne pense à rien. Ou plutôt, je pense à mes chevilles, à mon bassin ou à la hauteur de mes mains. Tout le
reste s’efface, rythmé par les efforts de mes coéquipiers. Ce n’est qu’après le dernier intervalle que le groupe s’individualise, ricane, se taquine. On refait surface après une dizaine de kilomètres à se laisser bercer par le rythme du groupe, une explosion à la fois. J’imagine facilement le sentiment d’évasion multiplié alors qu’on se retrouve sur un bateau, la frénésie de la ville visible au loin, mais sans emprise.