Mes personnes de 2017 : les musulmans de Québec
Les bilans de 2017 s’accordent pour bonne partie au féminin, rappelant le tremblement de terre des dénonciations d’inconduite sexuelle et la montée aussi fulgurante que rafraîchissante de Valérie Plante. Cela est juste.
Personnellement, je ne pourrais toutefois conclure cette année sans saluer les femmes et les hommes de la communauté musulmane de Québec, cible d’un acte d’une violence extrême, survenu à quelques kilomètres de chez moi. Je veux rendre un hommage particulier à deux de leurs porte-étendard, soit M. Boufeldja Benabdallah et M. Mohamed Labidi, respectivement cofondateur et président du Centre culturel islamique de Québec.
DIALOGUE
Dimanche 29 janvier 2017, un début d’année déjà lointain. C’est avec incrédulité que les Québécois apprennent qu’une fusillade a eu lieu dans une mosquée de Québec. L’événement causera 6 décès, des blessures graves et des pertes irremplaçables pour tant d’épouses, d’enfants et d’amis.
Pour beaucoup de gens, c’est déjà une surprise d’apprendre qu’il y a une mosquée à Québec, une ville que voudraient encore imaginer blanche tant ceux qui aiment la dénigrer que ceux qui auraient souhaité qu’elle reste comme telle.
Tout au long de l’année, on apprendra à mieux connaître cette communauté, pourtant foisonnante. L’un de ceux qui en témoignent le mieux, c’est Boufeldja Benabdallah. Arrivé à Québec en 1969, c’est un infatigable promoteur du dialogue interreligieux et une figure qu’on regrette de ne pas avoir davantage connue avant.
GÉNÉROSITÉ
Depuis l’attentat, ce qui frappe le plus dans ses paroles et celles de Mohamed Labidi, c’est la générosité de son propos. On est loin du discours revanchard ou de la condamnation tous azimuts des Québécois. Ce qu’on entend, c’est l’incrédulité de citoyens qui se considèrent chez eux ici et qui se rendent compte que ce n’est pas tout le monde qui l’entend ainsi.
Tout au long de l’année, d’autres gestes ont pu les amener à douter. Actes d’intimidation à la mosquée, pourtant sanctuaire. Discours exprimant l’intolérance contre l’établissement d’un cimetière musulman, projet porté par M. Benabdallah. Incendie criminel de la voiture de M. Labidi, ciblé par un esprit troublé, oui, mais parce qu’il était musulman.
Suivant cette année éprouvante, dont les premières manifestations de solidarité peuvent maintenant passer pour des larmes de crocodile, les musulmans de Québec ont des raisons d’être en colère. Ils le sont probablement.
MAIN TENDUE
À travers la bouche de leurs leaders, toutefois, c’est un discours d’ouverture, de dialogue et de main tendue que l’on continue d’entendre.
Au moment de libérer l’Inde du joug colonial, Gandhi a convaincu ceux qui le suivaient de rejeter la violence. Dans la lutte pour les droits civiques, Martin Luther King en a fait autant. Devant la dépouille d’un pasteur abattu parmi ses fidèles, Barack Obama a enjoint la foule à pardonner à son bourreau et fut applaudi.
En 2017, à Québec, des hommes se sont montrés à la hauteur de ces grands leaders. Ces citoyens, comme toutes celles et tous ceux qu’ils représentent, méritent encore, pour 2018, d’entendre le témoignage de la solidarité qu’ils nous inspirent.