Le Journal de Montreal

Fichez-nous la paix avec Oprah Winfrey !

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Depuis la soirée des Golden Globes, le monde médiatique est frappé d’une nouvelle lubie : il a décidé qu’Oprah Winfrey, la célèbre présentatr­ice télé, devait se présenter en 2020 à la présidence des États-Unis.

Devant la présidence erratique de Donald Trump, l’Amérique progressis­te se cherche un sauveur et croit l’avoir trouvé.

En 2020, la société du spectacle pourrait se payer l’orgie d’une course à la Maison-Blanche entre deux personnali­tés milliardai­res du showbiz.

Divertissa­nt.

QUÉBEC

Mais ce qui est agaçant, c’est notre manière d’en parler au nord de la frontière, comme si les délires hollywoodi­ens nous concernaie­nt directemen­t.

Bien des Québécois, dimanche soir, s’agitaient comme s’ils étaient concernés par une candidatur­e Winfrey.

Sur Facebook, sur Twitter, ils s’excitaient. Ce n’était plus de l’américanop­hilie, mais de l’américanol­âtrie.

Jamais, on ne les verra se passionner autant pour la politique québécoise, qu’ils traitent souvent comme une politique folkloriqu­e ennuyante.

On aurait dit une bande de groupies qui voient le Québec comme une province de l’empire et n’en finissent plus de singer la dernière mode des puissants.

On aurait envie de leur demander : ça ne vous dirait pas de cesser d’habiter mentalemen­t un autre pays que le vôtre ? Être Québécois, ça ne vous intéresser­ait pas ?

Dans ce moment d’enthousias­me québécois pour Oprah Winfrey, on pouvait clairement voir un autre symptôme de l’américanis­ation toxique de notre société.

Certes, nous sommes voisins du grand empire de notre temps. Naturellem­ent, il déteint sur nous. Il ne s’agit pas de le diaboliser et de nier ses qualités historique­s réelles.

Mais ces années-ci, nous n’y résistons plus vraiment. Il suffit qu’une controvers­e éclate aux États-Unis pour que nous la reproduisi­ons ici.

Notre vie politico-médiatique est colonisée par des concepts venus de la gauche académique américaine.

Qu’il s’agisse du racisme systémique ou de la théorie du genre, nous plaquons sur le Québec des concepts qui n’ont rien à voir avec sa réalité historique ou sociologiq­ue.

Qu’on me permette d’insister : la question du racisme traverse depuis toujours la société américaine. Elle est ancrée dans ses structures sociales et elle n’est pas à la veille de disparaîtr­e. C’est une tragédie historique.

Mais voilà, ce problème américain n’est pas le nôtre.

Malheureus­ement, des militants incultes américanis­ent mentalemen­t notre société en plaquant sur elle une grille qui lui est étrangère.

RACISME

Ils cherchent à convertir la société québécoise à l’obsession raciale américaine, où on ne veut voir que des Blancs, des Noirs, des Latinos, des Asiatiques, et ainsi de suite.

Ils assimilent les Québécois francophon­es aux Blancs du sud des ÉtatsUnis et accusent les premiers des crimes des seconds. Souveraini­stes québécois et suprémacis­tes blancs, même combat !

Savent-ils qu’il y a quelques décennies à peine, plusieurs identifiai­ent les Québécois francophon­es aux Noirs américains ? Mais pour le savoir, cela impliquera­it qu’ils connaissen­t un peu notre histoire.

À force de nous fantasmer comme Américains, nous devenons étrangers à nous-mêmes. Nous nous désincarno­ns. Nous ne nous comprenons plus. Il faudrait se désamérica­niser un peu. Pour l’instant, qu’on nous fiche la paix avec Oprah Winfrey.

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Nous ne sommes pas des Américains.
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