Le Journal de Montreal

Chicane de famille tragique

Une poursuite de 2 millions $ du père contre son fils a accéléré la faillite des Pâtisserie­s de Gascogne

- PHILIPPE ORFALI

Acculés au pied du mur, les fondateurs des Pâtisserie­s de Gascogne n’ont eu d’autre choix que d’intenter une poursuite de 2 millions $ contre leur propre fils a appris Le Journal. L’entente hors cour qui l’a suivie aurait précipité la spectacula­ire faillite de l’entreprise jetant 200 employés sur le trottoir.

C’est le cauchemar de tout homme d’affaires : fonder une entreprise, la faire prospérer, puis la voir voler en éclats après en avoir cédé les rennes à ses héritiers. Sauf que dans le cas des Pâtisserie­s de Gascogne et de la famille Cabanes, la situation s’est envenimée au point de se transporte­r devant les tribunaux.

À la mi-novembre, Francis Cabanes et son épouse Lucie, qui ont cofondé de Gascogne en 1952, ont intenté une poursuite de 1,9 million $ contre leur fils Jean-Michel, qui a repris la gestion de l’entreprise il y a quelques années.

L’entreprise aurait omis de payer le loyer de deux bâtiments appartenan­t toujours à Francis et Lucie Cabanes pendant de nombreux mois, révèlent des documents judiciaire­s obtenus par Le Journal.

Mais, surtout, Jean-Michel et les Pâtisserie­s de Gascogne auraient obtenu un prêt d’une valeur de 1,7 M$, en 2016, en réhypothéq­uant les deux bâtiments appartenan­t à ses parents. Ces allégation­s figurent dans la poursuite intentée par Francis et Lucie Cabanes et n’ont pas été prouvées devant les tribunaux.

Les parents et le fils en sont arrivés à une entente hors cour, le 1er décembre, dont les termes n’ont pas été divulgués.

200 EMPLOYÉS À LA RUE

À peine un mois plus tard, les Pâtisserie­s de Gascogne fermaient définitive­ment leurs portes, sans avoir avisé au préalable les quelque 200 employés et des dizaines de fournisseu­rs.

Le choc a été d’autant plus dur pour les employés que la direction leur a demandé de faire énormément d’heures supplément­aires pendant les Fêtes.

Francis Cabanes semblait visiblemen­t ébranlé lorsque joint par Le Journal, hier. « Je ne veux pas parler de ça. Je suis assez traumatisé de la situation comme ça », a-t-il dit.

Comment la famille Cabanes s’est-elle rendue au point de devoir se tourner vers les tribunaux ? « C’est à mon fils que vous devez le demander », a ajouté le fondateur.

Avocat de Francis et Lucie Cabanes, David Banon a indiqué que la famille vivait actuelleme­nt des « moments extrêmemen­t difficiles ». « À l’heure actuelle, ils vivent le deuil de cette entreprise avec beaucoup de difficulté.

« Jean-Michel et son épouse ont aussi énormément de difficulté à digérer la fin de ce qui était une belle réussite québécoise », a-t-il précisé.

Selon Vincent Lecorne, président du Centre de transfert d’entreprise du Québec, les déboires des Pâtisserie­s de Gascogne donnent l’impression d’un transfert d’entreprise familiale raté. Une telle poursuite ne peut qu’être un « dernier recours » pour des parents, dit-il. « Ce doit être un choix déchirant pour les fondateurs d’une entreprise, pour des parents. C’est pour ça qu’il faut savoir bien s’entourer quand on veut transférer l’entreprise à ses enfants, et tout planifier et consigner par écrit. »

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PHOTO COURTOISIE ISABELLE BERGERON Jean-Michel Cabanes au moment de l’ouverture de la nouvelle pâtisserie de Gascogne au Marché Jean-Talon de Montréal, à l’été 2016. En mortaise, Francis Cabanes, le fondateur de l’entreprise familiale.
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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN On voit ici un des deux bâtiments appartenan­t à ses parents, soit celui du 6095, Gouin Ouest, Montréal, qui fait l’objet de la poursuite.

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