Le Journal de Montreal

Une réfugiée gaie échappe de justesse à l’expulsion

Elle risquait sa vie en retournant dans son pays en raison de son homosexual­ité

- VINCENT LARIN

À quelques heures de son expulsion au Cameroun, où elle risquait sa vie en raison de son homosexual­ité, une réfugiée a appris qu’elle pourrait rester six mois de plus au Canada pour y déposer une nouvelle demande de résidence.

« C’est le plus beau jour de ma vie », lance Clarisse Noutchemi Lah, 42 ans, des trémolos dans la voix.

Une heure plus tôt, la femme rentrait chez elle pour faire ses bagages en prévision de son expulsion vers son pays d’origine, le Cameroun, où elle risque sa vie à cause de son homosexual­ité.

Encore l’an dernier, les personnes homosexuel­les étaient toujours victimes de discrimina­tion, de manoeuvres d’intimidati­on, de harcèlemen­t et de violences dans ce pays d’Afrique centrale, selon l’organisme Amnistie internatio­nale.

Clarisse Noutchemi Lah est arrivée en mars 2016 au Canada, car elle fuyait la persécutio­n.

DRAME HUMAIN

Plusieurs délais provoqués par des changement­s d’avocats dans son dossier ont toutefois retardé sa demande d’asile. À un tel point que la Commission de l’immigratio­n et du statut de réfugié du Canada (CISR) a finalement refusé d’entendre son appel pour infirmer une première décision négative à son endroit, affirme-t-elle.

Devant ce drame humain, l’équipe du député et ancien chef néo-démocrate Thomas Mulcair a lancé une offensive pour lui venir en aide.

« Dès qu’elle est venue nous voir, on a su qu’il fallait l’aider. C’était une question de vie humaine », explique le député d’Outremont.

Plusieurs démarches auprès du ministre de l’Immigratio­n du Canada, Ahmed D. Hussen, et de la Sécurité publique, Ralph Goodale, sont toutefois restées lettre morte au début.

Thomas Mulcair raconte que c’était seulement la deuxième fois en 10 ans de politique qu’on expulsait un réfugié qui courait un danger de mort dans son pays d’origine malgré son interventi­on.

« LYNCHER, BRUTALISER... »

Pourtant, les preuves que la vie de Clarisse Noutchemi Lah était en jeu étaient évidentes, rappelle-t-il.

Dans un échange de textos que Le Journal a pu consulter, l’ex-mari de Clarisse Noutchemi Lah admet lui-même qu’il ne sait pas où elle pourrait se réfugier au Cameroun sans se faire « lyncher, brutaliser, violer ou même […] tuer ».

« La dernière fois, c’était sous Stephen Harper et à ce moment, on s’était simplement fait répondre “C’est Harper, c’est comme ça” », se souvient M. Mulcair.

Mais à peine trois heures avant l’expulsion de Clarisse Noutchemi Lah, le ministre de l’Immigratio­n du Canada a finalement appelé Thomas Mulcair pour accorder un sursis de six mois à la réfugiée.

« Je suis très reconnaiss­ant qu’il ait pris la peine de m’appeler. C’est un geste très humain », a-t-il reconnu après avoir critiqué l’attitude des libéraux avant l’appel.

Le ministère de l’Immigratio­n et le cabinet du ministre Hussen n’ont pas répondu aux questions du Journal par courriel hier.

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PHOTO VINCENT LARIN La réfugiée Clarisse Noutchemi Lah au bureau du député Thomas Mulcair, qui a fait pression sur le ministre de l’Immigratio­n du Canada pour éviter l’expulsion.

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