Le Journal de Montreal

La Tribune a failli faire avorter la cause d’ex-employés de la MMA

Un éditorial de Capitales Médias a enfreint l’ordonnance de non-publicatio­n

- CAROLINE LEPAGE

SHERBROOKE | Un éditorial publié dans le journal La Tribune a bien failli faire annuler le procès de trois ex-employés de la MMA accusés de négligence criminelle causant la mort de 47 personnes de Lac-Mégantic.

Au jour 6 du procès de Tom Harding, Richard Labrie et Jean Demaître accusés de négligence criminelle causant la mort de 47 personnes à la suite de l’explosion d’un train de pétrole à Lac-Mégantic, un éditorial de Denis Dufresne publié dans La Tribune de Sherbrooke a relaté de nombreux éléments de preuves qui n’avaient pas été présentés devant le jury et qui étaient donc sous ordonnance de non-publicatio­n.

L’auteur de l’éditorial disait qu’il était temps que la vérité soit connue à l’issue de ce procès, en citant des extraits du rapport du Bureau de la sécurité des transports (BST) qui n’a jamais été déposé en preuve.

Lorsqu’un procès se déroule devant jury, il est interdit aux médias de révéler des détails qui n’ont pas encore été mis en preuve pendant le procès pour ne pas influencer le jury, une règle qu’ignorait vraisembla­blement l’éditoriali­ste de Capitales Média.

Le jury, composé de quatre femmes et huit hommes, a été séquestré hier après les directives du juge.

Les médias peuvent révéler les informatio­ns dévoilées hors jury, dont la requête des avocats de la défense pour faire avorter le procès en raison de cet éditorial.

PHRASE ASSASSINE

Les avocats de Tom Harding, Jean Demaître et Richard Labrie ont contesté un extrait du rapport du BST qu’a rapporté Denis Dufresne, selon lequel « les employés faisaient le strict nécessaire pour accomplir leur travail plutôt que de toujours suivre les règles ».

Selon Me Thomas Walsh, l’avocat de Thomas Harding, cette phrase portait un jugement sur les agissement­s de son client et aurait pu influencer la suite du procès devant jury.

« Le remède le plus approprié serait un avortement de procès », a-t-il plaidé.

Sinon, il suggérait aux deux parties d’éplucher le rapport du BST et d’isoler les éléments qui leur semblaient acceptable­s afin de réévaluer leur position.

Pour sa part, Me Guy Poupart, qui défend Richard Labrie, a demandé la tenue d’un procès séparé pour les trois accusés.

Ce souhait était partagé par Me Gaétan Bourassa, qui trouvait que le fond de l’éditorial au complet portait préjudice à son client, Jean Demaître.

Un des procureurs de la Couronne, Me Sacha Blais, a souligné que l’éditorial parlait des « trois malheureux accusés ».

« Contrairem­ent à mes collègues, c’est plutôt la poursuite qui devrait se plaindre de cet article », a-t-il soulevé.

HARDING SUSPENDU

Le juge Gaétan Dumas a tranché que l’avortement du procès n’était pas justifié.

« Je sais que les journalist­es ici font attention », a-t-il déclaré.

Il leur a rappelé de ne pas citer le rapport du BST, qui n’a jamais été déposé en preuve, et les a priés d’avertir sérieuseme­nt leur salle de rédaction de faire attention. La Tribune a rapidement retiré son éditorial de son site internet.

Par ailleurs, la Couronne a tenté pendant le procès de faire admettre en preuves que le chauffeur du train et coaccusé, Thomas Harding, avait déjà été suspendu par le passé.

Plusieurs témoins ont mentionné au procès que M. Harding était très compétent et profession­nel dans son travail. La Couronne voulait ainsi démontrer qu’il n’avait pas un dossier sans tache avant le dérailleme­nt et l’explosion du 6 juillet 2013.

Le juge Dumas n’a cependant pas permis que cette preuve soit présentée devant les membres du jury.

« LE REMÈDE LE PLUS APPROPRIÉ SERAIT UN AVORTEMENT DU PROCÈS » – Me Thomas Walsh

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PHOTO CAROLINE LEPAGE Le conducteur du train qui a explosé à Lac-Mégantic, Tom Harding. L’avocat de ce dernier, Thomas Walsh, a demandé l’avortement du procès de trois mois.

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