Copieur, toi-même
Le plus amusant dans cette affaire de plagiat où Radiohead accuse Lana Del Rey de lui avoir piqué la mélodie de son succès Creep, c’est qu’il a rappelé, et même appris à bien du monde, moi le premier, que le mythique groupe anglais possède son propre passé de copieur.
C’est fou quand même. Radiohead, considéré comme un des plus grands, des plus innovateurs et visionnaires groupes de rock des trois dernières décennies, a un jour cédé à la tentation.
Quand la bande de Thom Yorke a composé Creep, au début des années 1990, elle s’est bien plus qu’inspirée du succès des années 1960 The Air That I Breathe, du groupe The Hollies. Elle a plagié.
La preuve a été faite. L’affaire a été débattue en cour, Radiohead a perdu et les compositeurs de la chanson des Hollies ont reçu des crédits de composition.
Et voilà, charmante ironie, que Radiohead soutient que Lana Del Rey a plagié Creep pour composer Get Free, la toute dernière pièce de son plus récent album.
La copie de la copie se retrouve à son tour au banc des accusés. Comme façon d’illustrer qu’on ne réinvente pas la roue en musique, on pouvait difficilement faire mieux.
DES AVEUX DE LANA
Cela dit, à première vue, ou première écoute plutôt, Radiohead semble posséder une cause solide. Les ressemblances entre Get Free et Creep, particulièrement dans les accords de guitare et le rythme de la première moitié de la chanson, sont pour le moins frappantes.
En outre, des experts en droit de la propriété intellectuelle que j’ai consultés, cette semaine, m’ont fait remarquer que Lana Del Rey pourrait avoir ellemême admis les faits quand elle a révélé l’existence du litige, sur son compte Twitter, en indiquant qu’elle avait offert 40 % des royautés à Radiohead.
« C’est normal de considérer que ça ressemble à un aveu. Si vous êtes déjà en train de faire une proposition à 40 %, c’est que vous sentez qu’il se passe quelque chose. […] Je ne suis pas sûre qu’elle a parlé à son avocat avant », m’a dit Ysolde Gendreau, vice-doyenne et professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
« Qu’elle ait déjà offert 40 %, ça émet des doutes », m’a pour sa part confié Alain Lauzon, le directeur général de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada.
Chose certaine, compte tenu de la notoriété des artistes impliqués, voilà une affaire qui, si elle se rendait à procès – pour l’instant les conseillers juridiques de Radiohead se contentent d’évoquer des discussions avec ceux de Del Rey –, risque de faire couler bien de l’encre et d’alimenter les conversations sur le web.