Le Journal de Montreal

Manque de temps pour faire face au pot légal

Difficile pour les entreprise­s de savoir comment détecter et sanctionne­r l’usage du cannabis au travail

- BORIS PROULX

OTTAWA | Démunis et inquiets, de nombreux employeurs risquent de manquer de temps pour préparer comme il se doit l’arrivée du pot légal dans leurs milieux de travail.

« C’est une préoccupat­ion pour beaucoup de nos membres. Il faudrait laisser un temps assez long pour permettre [aux employeurs] de bien préparer le matériel des programmes de prévention, de formation et de sensibilis­ation », indique Yves-Thomas Dorval, PDG du Conseil du patronat du Québec.

Il ne reste que quelques mois avant que les joints soient officielle­ment légaux au pays - en juillet - , mais des entreprise­s québécoise­s n’ont pas de plans pour détecter et sanctionne­r l’usage de drogues, note-t-il.

Les principale­s associatio­ns d’employeurs du Québec contactées par Le Journal s’entendent pour dire que même si des entreprise­s contrôlent déjà l’usage de l’alcool au bureau, nombre d’entre elles sont dans l’inconnu au chapitre de la détection et de la gestion du cannabis bientôt légal.

APRÈS L’ALCOOL

Surtout que ce sont les patrons qui ont le fardeau du contrôle de la drogue en milieu de travail aux fins de santé et de sécurité, note un rapport fédéral (voir page 10). Il est « généraleme­nt admis » que l’usage du cannabis y sera plus fréquent dans les années suivant la légalisati­on, précise le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

« Pour l’alcool, les gens ont compris qu’on ne peut pas en boire en travaillan­t. Maintenant, on arrive avec une nouvelle drogue qui sera légale. Il faut être très clair que ce ne sera pas toléré au travail », explique Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Or, contrairem­ent aux signes d’ivresse de l’alcool, il peut être ardu de repérer les signes d’intoxicati­on plus subtils du cannabis, qui varient de la confusion aux yeux rouges, en passant par une démarche chancelant­e.

DÉTECTION

« Dans le cas du cannabis, c’est difficile de reconnaîtr­e un employé intoxiqué. Même s’il le reconnaît, ce sera difficile de le prouver », se désole Stéphane Forget.

Encore plus de prendre des mesures disciplina­ires contre un employé qui se présente au bureau les yeux rougis, explique l’avocat en droit du travail Philippe Coderre.

« Dans le temps, le simple fait d’avoir une substance illégale était suffisant pour justifier une sanction. Après la légalisati­on, ça va dépendre de la politique de l’entreprise. Il n’y a plus ce facteur aggravant. » Cette lacune inquiète les PME. « Les petites entreprise­s ne sont pas équipées pour faire face à la légalisati­on. Le projet de loi [du gouverneme­nt du Québec] ne précise pas ce que l’employeur a le droit de faire », critique Bruno Leblanc, directeur à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendan­te.

Le projet de loi québécois sur la question, actuelleme­nt à l’étude, prévoit seulement qu’il est interdit de fumer du cannabis dans des lieux fermés des milieux de travail, à l’exception de ceux situés dans une résidence privée.

PRÊTES

Certaines entreprise­s contactées par Le Journal assurent toutefois avoir déjà une robuste politique de tolérance zéro, comme la Société de transport de Montréal (STM) qui effectue un dépistage de drogues à l’embauche depuis 2009.

Le géant de la constructi­on Broccolini, d’Ottawa, admet « qu’un gramme de pot peut être dans tes poches sans que personne ne le sache », mais dit ne pas s’inquiéter outre mesure de la légalisati­on. - Avec Christophe­r Nardi et Guillaume St-Pierre.

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PHOTO D’ARCHIVES Plusieurs employeurs manifesten­t de l’inquiétude à l’approche de l’arrivée de la libre consommati­on du cannabis.

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