Espoir renouvelé pour la femme de Raif Badawi
Elle fait « confiance » au prince héritier, nouvel homme fort en Arabie saoudite, afin qu’il libère son mari
PARIS | (AFP) L’épouse de Raif Badawi, blogueur saoudien emprisonné depuis cinq ans, dit faire « confiance » au prince héritier Mohammed ben Salmane, le nouvel homme fort de Ryad, pour libérer bientôt son mari en gage de sa volonté affichée de réformes.
« J’ai confiance dans le prince Mohammed ben Salmane parce que le prince met en application les idées de Raif », explique, lors d’un entretien à Paris, Ensaf Haidar, mariée depuis 16 ans à Raif Badawi avec lequel elle a eu trois enfants.
Il « veut moderniser l’Arabie Saoudite, moderniser la charia. Cela veut dire qu’il veut aussi libérer les prisonniers d’opinion et les prisonniers de droits humains », ajoute cette originaire de la région de Jizan, dans le sud-ouest de l’Arabie saoudite.
« INSULTE À L’ISLAM »
Son mari, arrêté en 2012, a été condamné en 2014 à dix ans de prison et 1000 coups de fouet pour « insulte à l’islam ». Le site du blogueur de 34 ans promouvait la liberté d’expression et les droits des femmes.
Mais ces derniers mois, une série de réformes sociétales et économiques ont été annoncées dans ce pays ultraconservateur, sous l’impulsion de Mohammed ben Salmane, de l’autorisation de conduire ou d’assister à des événements sportifs pour les femmes à celle des cinémas...
En octobre, « MBS » promettait aussi une Arabie saoudite « modérée » et « tolérante ».
PLUS SCEPTIQUES
Des militants des droits de l’Homme sont plus sceptiques, soulignant que les interpellations de dissidents continuent dans le pays où certains voient en MBS un caractère autoritaire et impulsif.
L’espoir de l’épouse du blogueur vient également d’une délégation de parlementaires européens. À son retour de Ryad, en novembre, l’un d’eux, Josef Weidenholzer, lui a indiqué que des défenseurs locaux des droits de l’Homme estimaient que Raif pourrait figurer sur une liste de pardons royaux.
« C’est ce qu’il m’a dit. Je ne sais pas si c’est vrai » , dit Ensaf Haidar.
M. Weidenholzer n’a pu être joint. De son côté, l’ancienne ministre française Michèle Alliot-Marie, qui menait la délégation, a refusé de s’exprimer sur le sujet, pointant son caractère délicat.
OBSTACLE DE TAILLE
En 2015 déjà, un responsable suisse avait évoqué un pardon possible de Raif Badawi.
« Nous espérons qu’il est sur la liste des pardons » cette fois, a dit un représentant de la Société nationale saoudienne pour les Droits de l’Homme, tout en pointant un obstacle potentiel à sa libération : son père, favorable à la punition de son fils et dont l’approbation serait nécessaire.
« Ce problème doit être réglé avant que le pardon royal ne soit accordé », a dit ce responsable qui a requis l’anonymat.
Mme Haidar, qui vit à Sherbrooke avec ses trois enfants après avoir obtenu le droit d’asile au Canada, parle régulièrement à son mari : elle appelle la prison deux ou trois fois par semaine. Leurs conversations sont brèves, de l’ordre de 15 minutes, et Raif ne lui raconte guère ses conditions de détention.