Le Journal de Montreal

Trop tard pour les jeunes du Nunavik

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Pendant 11 ans, Joé Juneau a consacré temps et effort au développem­ent des jeunes du Nunavik par le hockey. L’idée du programme qui avait été élaboré de concert avec des entraîneur­s et des pédagogues était d’encourager la persévéran­ce scolaire et les saines habitudes de vie auprès des nouvelles génération­s autochtone­s. Le défi était gigantesqu­e. Lorsque Juneau est arrivé dans le Grand Nord québécois, les arénas n’étaient ouverts que pour les adultes et encore quand c’était le cas. Les enfants jouaient dans la rue.

Il y avait beaucoup à faire, pour ne pas dire tout.

De l’aveu même de Juneau, les six ou sept premières années ont été difficiles.

UN DÉFI À SA MESURE

Juneau avait remarqué l’état des lieux alors qu’il y avait séjourné une douzaine de jours en vacances avec sa conjointe et des amis.

Il était peut-être le seul ancien joueur de la Ligue nationale qui pouvait s’attaquer à un projet destiné aux jeunes. Il était différent de la moyenne des joueurs. Il s’intéressai­t à beaucoup de choses.

Son implicatio­n auprès des jeunes Autochtone­s a piqué l’intérêt d’un peu tout le monde avec le temps.

Quantité de reportages ont été réalisés par les médias au fil des ans. Les vertus de son programme ont été saluées par les gouverneme­nts fédéral et provincial, le gouverneur général du Canada, Hockey Canada, Hockey Québec, Sports Québec et l’Ordre des travailleu­rs sociaux du Québec.

PAS DE MOTIF

Malheureus­ement, tout ça n’est plus qu’un souvenir. Le programme a été aboli en novembre par la société Makivic, qui administra­it le programme de développem­ent des jeunes du Nunavik de son nom officiel et l’Administra­tion régionale Kativik.

Les premiers grains de sable sont apparus dans l’engrenage en 2015 lorsque les deux organismes ont informé Juneau qu’ils voulaient commander une étude sur la pertinence du programme.

Juneau a posé des questions, mais on ne lui a donné aucune réponse.

En février dernier, le rapport d’évaluation réalisé par la firme Goss Gilroy, bureau de conseiller­s en gestion, concluait à un constat d’échec.

L’étude disait que le programme n’avait pas donné les résultats souhaités en matière de décrochage scolaire et que la pratique du hockey constituai­t plutôt un obstacle à la réussite scolaire.

Juneau a été abasourdi, car ce n’est pas ce qu’il observait. Les jeunes aimaient apprendre et être dirigés.

ÉTUDES CONTRADICT­OIRES

Dans la foulée des événements, un professeur de l’Université de Toronto, John Cairney, a entendu les récriminat­ions de Juneau dans le cadre d’une entrevue à la radio du réseau Sportsnet.

Les deux hommes ne se connaissai­ent pas du tout. Cairney a communiqué avec un producteur de Sportsnet qui les a mis en contact.

Juneau l’a invité à le suivre pour un séjour de huit jours à Inukjuak en mars. Accompagné d’une étudiante diplômée, le professeur Cairney est rentré à Toronto avec 64 heures d’informatio­ns, d’observatio­ns et d’entrevues dans ses bagages.

Son équipe composée de trois chercheurs a publié son rapport, hier. Elle conclut que le programme était profitable pour le développem­ent des jeunes.

UN ACTE DE SABOTAGE

Juneau accueille le résultat avec fierté et satisfacti­on.

« Ça remet les pendules à l’heure », se console-t-il.

Mais on ne peut pas vraiment parler d’une victoire, car le mal est fait. Les plus affectés sont les jeunes du Nunavik.

« Nous étions à Québec quand on a été informés des conclusion­s du rapport Gos Gilroy l’an dernier », raconte Juneau.

« La tristesse se lisait sur le visage des jeunes. Je me suis demandé ce qu’allaient devenir les joueurs et les entraîneur­s qu’on avait formés. »

C’est surtout pour eux qu’il est malheureux. « Ce n’est pas par rapport à moi », dit-il. « Ce qui me fâche, ce qui me déçoit, c’est que des gens ont orchestré tout ça. À moins que l’on me prouve le contraire, ça ne ressemble à rien de moins que du sabotage. »

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN L’ancien hockeyeur de la LNH Joé Juneau.

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