La « spirale de la mort »
Pour reprendre l’expression de la comédienne Christine Beaulieu, « J’aime Hydro ».
Et ça me trouble d’apprendre que notre société d’État mythique fera bientôt face à une « spirale de la mort » !
Dans les prochains mois, surtout en campagne électorale, il faudra bien que nos politiciens nous disent ce qu’ils comptent faire face à ce phénomène.
Quelle spirale ? Quelle mort ? Dans son entrevue à mon collègue Charles Lecavalier, publiée mardi, le président-directeur général d’Hydro Éric Martel l’a présentée clairement.
Depuis deux ans, le coût des panneaux solaires chute. Or, si les Québécois commencent à « autoproduire » de l’électricité à la maison, se dotent de batteries performantes, ils consommeront assurément moins de l’électricité d’Hydro-Québec !
Mais la société d’État a des coûts fixes lourds, devra continuer de payer « autant de transformateurs, de fils électriques », etc. Il lui faudra alors augmenter les tarifs ! Ce qui rendra, en comparaison, « l’autoproduction » encore plus rentable !
Cela incitera toujours plus de Québécois à réduire leur consommation d’électricité provenant du réseau.
D’où l’image de la spirale. Martel aurait pu parler de cercle vicieux. L’Australie ferait déjà face à un phénomène du genre.
LIBERTARIEN
Ce risque est sans doute moins imminent ici. L’hydroélectricité permet au Québec de produire de l’électricité à très bon prix. Tout de même, la demande en électricité a commencé à stagner et le PDG Martel évoquait un effet possible du solaire dès… 2025.
Étrange, Philippe Couillard célèbre le solaire depuis au moins deux ans, chaque fois qu’il en a l’occasion !
On ne peut pas lui reprocher. Que des individus ou des familles puissent réduire le coût de leur énergie est loin d’être une perspective désagréable.
Sauf que le premier ministre en devient presque lyrique. (Appelons ça son « mode monorail » !) En janvier 2016, il en tirait une analyse surprenante, aux accents libertariens :
« Dans cette circonstance qu’on connaît actuellement où les gens vivent une certaine aliénation face au gouvernement, on en a un exemple au sud de la frontière et en Europe aussi, cette question de la prise de pouvoir des citoyens sur leur destinée ou sur leurs choix est bien essentielle. »
Les panneaux solaires pour prendre le pouvoir sur sa destinée ! Soudain, Hydro apparaissait comme une hydre liberticide (si vous me permettez un mot du jour) et non plus comme l’outil formidable d’émancipation collective qu’elle a été.
MYTHES MITEUX
Au lyrisme de Couillard, François Legault en oppose un autre, ancré dans nos mythes.
À son avis, il faudrait « demain matin » reprendre nos dents de castors et mettre en chantier plein de nouveaux « grands barrages » : « Un gouvernement de la CAQ va être ambitieux. […] On a appelé ça BaieJames du XXIe siècle », martelait-il le 26 septembre. Quel démenti a-t-il reçu du PDG Martel ! Ce dernier souligne que les surplus sont si grands que cet automne, à Manic-5, on a procédé à un déversement « pour la première fois depuis que le barrage existe ». Il ajoutait : « Si on a construit des centrales et que la seule chose qu’on fait, c’est ouvrir les vannes pour vider l’eau, on ne gagnera rien. » Daniel Desharnais, directeur de cabinet adjoint et directeur des communications de Philippe Couillard, s’est fait un plaisir de mettre en relief cette phrase sur Twitter. Le Parti québécois y a vu une « gifle très claire » aux projets de la CAQ.
Curieux quand même qu’en parallèle, le gouvernement Couillard demandait à Hydro, dans son plan stratégique, d’identifier les rivières les plus prometteuses pour de futurs développements hydroélectriques.
Chose certaine, face à l’avenir énergétique, les Québécois méritent des visions étoffées, pas du lyrisme futuriste ou des mythes miteux.