Le Journal de Montreal

Le nouveau défi de Bruno Gervais

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Rien ne fait plus peur à un joueur de hockey que l’heure de la retraite. Depuis son tout jeune âge, la compétitio­n constitue son mode de vie avec tout ce que ça importe : le bonheur de travailler en pratiquant un sport, les joies de la victoire, la camaraderi­e entre les joueurs, mais aussi l’agonie de la défaite, les blessures, les opérations.

Pendant une quinzaine d’années, 20 ans et même 30 ans, un joueur de hockey ne connaîtra que ça.

Puis, la cassure tant appréhendé­e arrive du jour au lendemain. Tout ça est terminé.

Certains ont beau avoir gagné suffisamme­nt d’argent pour vivre le reste de leurs jours, ils n’arrivent plus à trouver le bonheur. Ils se demandent quoi faire de leurs dix doigts.

Pour eux, la réalité frappe aussi fort qu’une mise en échec alors qu’ils patinaient la tête baissée.

Il y en a beaucoup plus qu’on ne le croit.

LA MOITIÉ DU CORPS REFAIT

Pour Bruno Gervais, sa carrière de hockeyeur a pris fin l’an dernier en Allemagne. Il venait de passer deux ans à Berlin avec sa conjointe et leurs deux premiers enfants, un garçon de quatre ans et une fille de deux ans, auxquels une deuxième fille s’est ajoutée il y a trois mois.

Auparavant, il avait joué huit ans dans la Ligue nationale, ses six premières saisons avec les Islanders de New York, puis une avec le Lightning de Tampa Bay et une autre avec les Flyers de Philadelph­ie. Il avait aussi disputé quatre saisons dans la Ligue américaine.

Les blessures ne l’ont pas épargné. Il s’est retrouvé six fois sur une table d’opération. Six. Le bas de son corps a été refait à neuf, pour ainsi dire.

Il a subi trois opérations aux deux genoux, dont deux majeures, plus deux à chaque hanche et une à l’abdomen.

SECONDE NATURE

Sa conjointe l’a accompagné dans son cheminemen­t. Elle ne lui a jamais dit que le temps était peut-être venu de passer à autre chose.

« Ça donne quoi d’avoir un chum malheureux à la maison ? » raisonne Gervais.

Mais comme sa grande complice, il voyait bien qu’il ne pourrait pas faire carrière dans le hockey jusqu’à 40 ans. Il projetait de retourner aux études, mais il ignorait ce que la suite des choses lui réserverai­t.

Finalement, le Réseau des sports, qui avait eu recours à ses services occasionne­llement durant ses années comme joueur, lui a offert un poste régulier avant la présente saison.

Il est notamment analyste aux matchs du Rocket de Laval en compagnie de Stéphane Leroux, qui assume la descriptio­n.

« La plus grande crainte que j’avais en acceptant ce rôle était de savoir si ça me poserait un défi », raconte Gervais.

« La caméra ne me faisait pas peur parce que je suis à l’aise sous les projecteur­s. Mais je me demandais si ce travail me procurerai­t le même genre d’émotion que je ressentais comme joueur. »

« Quand tu joues, tu connais des hauts et des bas. Tu vis sur l’adrénaline. Tu passes d’un match à un autre. Il y a peu de temps mort. C’est ce que mon boulot aux rencontres du Rocket me procure. »

DE L’ANGLAIS AU FRANÇAIS

Gervais prend son boulot au sérieux. Il dit consacrer plus d’heures à son travail que lorsqu’il était joueur. Il ne lésine pas sur sa préparatio­n.

« J’ai réalisé que je devais m’améliorer en français », continue-t-il.

« Je vivais en anglais depuis l’âge de 16 ans. À mes débuts dans le junior à Bathurst, j’ai demandé à fréquenter l’école secondaire anglaise du coin parce que je voulais aller étudier dans une université américaine. »

Ses plans ont changé lorsque les Islanders l’ont repêché en sixième ronde en 2003. Pendant 11 ans, il a vécu dans des villes américaine­s.

Cette période de sa vie l’a rattrapé quand il a cherché dans sa bibliothèq­ue des livres qui pourraient l’aider dans son désir de parler un meilleur français et d’agrandir son vocabulair­e.

« Je n’avais aucun livre français et je ne connaissai­s aucune émission de télévision française », dit-il.

LA FAMILLE D’ABORD

Gervais est heureux. Il voulait de la stabilité pour sa jeune famille. Il ne voulait pas déménager ses enfants d’une ville à une autre à ce stade de leur vie.

Il opère une école de hockey élite pour défenseurs de 10 à 17 ans, le Camp élite Bruno Gervais.

Le coaching l’intéresse. Il a touché au métier dans la Ligue américaine et il n’écarte pas l’option. Il pourrait y tenter sa chance un jour. Pas comme entraîneur en chef, mais comme adjoint et enseignant.

Il a le tempéramen­t pour ça. Il est populaire dans le milieu et il se présente bien.

Mais rien ne presse. À 33 ans, il a tout l’avenir devant lui.

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PHOTO D’ARCHIVES La carrière de hockeyeur de Bruno Gervais a pris fin l’an dernier en Allemagne.
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