Le Journal de Montreal

MILENA DI MAULO, FILLE ET FEMME DE MAFIOSI EN 10 EXTRAITS

-

Ma jeunesse a véritablem­ent été celle d’une gosse de riche, gâtée au-delà de toute mesure. Sans balises et sans limites, je me suis étourdie de musique, de drogue, d’alcool, de faux amis, de shopping et d’argent. […] Côtoyer les artistes et les gens célèbres éblouissai­t la petite fille en moi et me faisait oublier momentaném­ent mes parents et la mafia. Certains de ces artistes venaient manger à la maison ou se produire dans une fête familiale. […] J’aimais l’amitié franche qu’avait Michèle Richard pour mon père et Frank Cotroni. Elle n’a jamais caché qu’elle nous fréquentai­t, et elle le faisait sans honte aucune, ce qui n’est pas le cas pour bien d’autres. Les filles d’honneur, les voitures (dont 15 limousines, une Rolls-Royce et une Excalibur), les décoration­s extérieure­s et intérieure­s : tout était blanc. Ma robe de mariée, une splendeur que Brooke Shields avait portée lors d’un défilé, venait de New York […]. Je portais une couronne dont la traîne, incrustée de pierres du Rhin, était longue de douze pieds. Je m’appelle Milena Di Maulo. Avant son assassinat en 2012, mon père, Joseph « Joe » Di Maulo, était l’un des mafiosi les plus influents du Québec. Le père de mes deux enfants se nomme Francesco « Frankie » Cotroni ; il est le fils de Frank Cotroni, l’ancien dirigeant du clan calabrais, qui se trouve être également mon parrain. […] Croyezmoi, mon nom n’est pas facile à porter. Le 12 mars 1971, alors que j’avais 5 ans, survint l’affaire des trois meurtres du Casa Loma, à la suite de laquelle mon père décida de s’enfuir en Floride. Je me souviens vaguement de ma mère bouclant les bagages à toute allure, nerveuse et anxieuse. Voyant mon incompréhe­nsion devant un départ si soudain, elle m’expliqua : « Je veux que tu apprennes l’anglais ». Il y avait toujours quelqu’un qui lui devait de l’argent. [Mon père] prêtait à 1 % d’intérêt... par semaine ! […] Il disait toujours : « Aie du respect. La banque peut t’enlever ta maison et te mettre tout nu dans la rue. Moi, je peux te mettre tout nu dans ta tombe. Tu peux pas me payer ? Appelle-moi et on va s’arranger. » Avec leur femme, les mafiosi oscillent entre silence et langage codé. Pour ma part, je ne posais jamais de questions à Frankie ; ce n’était pas nécessaire. Quand il rentrait à la maison en disant « Aujourd’hui, ç’a été une bonne journée, tu peux appeler demain pour faire creuser la piscine », je me doutais bien que j’allais payer comptant ladite piscine. Ou s’il disait « Chérie, si tu veux changer de voiture, fais-le », je savais qu’il avait réussi un gros coup. Les assassinat­s, les mensonges, les trahisons, la corruption et l’illégalité ont jalonné mon existence. Je peux compter parmi mes connaissan­ces plus de 20 hommes qui sont morts assassinés. Le meurtre de mon père a été un point culminant pour moi. Comment dire la peine, la colère et la honte que j’ai éprouvées ? Il y avait une réelle chimie entre Nick et moi. Qu’il soit le fils de Vito Rizzuto ne me dérangeait nullement. Il était gentil, poli, charmant et toujours bien habillé : un vrai play-boy. […] C’était un simple flirt, rien de sérieux ; les choses ne sont guère allées très loin entre nous. Le fait que mon père désapprouv­e notre relation me la rendait plus attrayante. Les bijoux, les voitures, les maisons, la cocaïne, l’alcool, les vêtements griffés et tous les billets de banque de la terre ne peuvent masquer ce fait : la mafia, ce sont les larmes. […] C’est la haine. La mafia consume tous ceux qui, fascinés par l’opulence et le jet-set, ont le malheur de s’en approcher.

 ??  ?? Milena Di Maulo dit avoir longtemps hésité à raconter sa vie dans un livre, craignant de « trahir [sa] famille et le milieu qui [l’] ont vue naître ». Joe Di Maulo flanqué des chanteuses Michèle Richard et Nanette Workman. Milena Di Maulo qualifie d’«...
Milena Di Maulo dit avoir longtemps hésité à raconter sa vie dans un livre, craignant de « trahir [sa] famille et le milieu qui [l’] ont vue naître ». Joe Di Maulo flanqué des chanteuses Michèle Richard et Nanette Workman. Milena Di Maulo qualifie d’«...

Newspapers in French

Newspapers from Canada