Le Journal de Montreal

Les deux gauches

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Un peu en marge des grands médias, ces joursci, se mène un important débat sur la situation de la gauche au Québec. J’en donne les grands éléments.

Roméo Bouchard, le cofondateu­r de l’Union paysanne, a publié un important manifeste, où il s’inquiète de ce que la gauche est devenue ces dernières années.

Traditionn­ellement, elle était attachée aux classes populaires et aux gens en situation de domination économique. Elle combattait le capitalism­e, ou du moins, elle cherchait à le domestique­r sérieuseme­nt.

TRAVAILLEU­RS

Elle s’intéressai­t aux conditions de vie concrètes du plus grand nombre. Et elle se montrait attachée au peuple québécois, à sa culture, à son identité, à son indépendan­ce.

C’était une gauche populaire, nationale, communauta­ire, enracinée, qui cherchait à porter les aspiration­s du commun des mortels.

Mais Roméo Bouchard constate que cette gauche a été déclassée par une autre.

La nouvelle gauche se caractéris­e surtout par son adhésion au multicultu­ralisme.

Elle a abandonné le travailleu­r ordinaire, qu’elle en est venue à mépriser, pour vouer désormais un culte aux différente­s « minorités », qu’elles soient culturelle­s, religieuse­s ou sexuelles, parce qu’elle les imagine discriminé­es et persécutée­s.

Je résume la chose dans mes mots : en gros, derrière le travailleu­r ordinaire, elle ne veut plus voir qu’un mâle blanc hétérosexu­el et raciste qui devrait renoncer à ses « privilèges » et apprendre à se taire dans les débats publics. Elle n’en finira plus de le dénoncer et de lui vomir dessus, en plus de lui diagnostiq­uer régulièrem­ent de nouvelles phobies.

Inversemen­t, elle se battra pour le droit au voile islamique, niqab inclus, pour les toilettes transgenre­s, en plus de placer ces questions et quelques autres au centre du débat public, comme si elles devaient éclipser les autres débats.

Cette nouvelle gauche s’est spécialisé­e dans le politiquem­ent correct et veut censurer ceux qui lui déplaisent : qu’on en parle à Guy Nantel.

Je précise que cette gauche a accueilli le manifeste de Roméo Bouchard comme s’il s’agissait d’une propositio­n scandaleus­e. Elle discute moins qu’elle n’insulte. Elle croit avoir le monopole de la vertu.

Quand on lit bien le manifeste de Roméo Bouchard, il invite la gauche populaire à reprendre la parole.

Il l’appelle l’aut’gauche. Il lui assigne un programme en quatre points.

PROGRAMME

D’abord, réformer démocratiq­uement le Québec en mettant en place une constituan­te chargée de redéfinir nos institutio­ns.

Ensuite, renouer avec une véritable politique de redistribu­tion de la richesse.

De même, elle nous invite à miser sur la transition écologiste et à relocalise­r notre économie, en nous délivrant du fantasme de la mondialisa­tion.

Enfin, elle nous invite à faire l’indépendan­ce du Québec, qui est la seule manière d’assurer notre survie comme peuple et d’affirmer notre identité.

On sera d’accord ou non avec ces propositio­ns. Certaines d’entre elles sont plus que discutable­s, comme l’appel à la constituan­te.

Mais on conviendra qu’elles sont bien plus stimulante­s que les complainte­s victimaire­s des adeptes d’un multicultu­ralisme radicalisé.

Que l’on soit de gauche ou non, on accueiller­a le manifeste de Roméo Bouchard comme une bouffée d’air frais dans la vie publique.

Quand on lit bien le manifeste de Roméo Bouchard, il invite la gauche populaire à reprendre la parole.

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