Le Journal de Montreal

Voulons-nous vraiment la vérité ?

Jeudi, Richard Martineau se désolait des promesses exagérées que nous allons entendre d’ici aux élections du 1er octobre.

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Richard dit vouloir des promesses réalistes qui n’insulteron­t pas son intelligen­ce. Moi aussi.

Cela dit, comprenons d’abord que les promesses sont, jusqu’à un certain point, inévitable­s.

Elles sont inévitable­s parce que le candidat qui proposerai­t seulement de faire de son mieux se ferait reprocher son absence de programme, son flou et se ferait dire qu’il demande un chèque en blanc.

Elles sont aussi inévitable­s parce que la plupart des gens veulent que le politicien leur dise très concrèteme­nt ce qu’il va faire pour eux, juste pour eux, en échange de leur vote.

Bref, les promesses, que voulez-vous, ça marche, alors…

CIBLE

Certes, une idée ne décollera pas si elle est trop farfelue.

Je serais étonné que Philippe Couillard

(photo) revienne avec son monorail Québec-Montréal à grande vitesse, de conception entièremen­t québécoise, qui semblait tiré tout droit de Blade Runner 2049.

Mais supposons que vous multipliie­z les promesses à la fois modérées et séduisante­s.

Celui qui expliquera que leur coût total dépasse vos capacités financière­s ou n’est pas compatible avec votre promesse de baisser les impôts devra ramer fort pour convaincre un public globalemen­t peu attentif.

De toute façon, la promesse vise habituelle­ment un public précis dont on connaît l’état d’esprit.

Quand Trump a dit vouloir construire un mur à la frontière mexicaine et ramener les emplois perdus par la faute des méchants traités de libre-échange, la plupart des observateu­rs ont rigolé.

Mais Trump s’adressait très précisémen­t à la classe ouvrière blanche du Midwest qui s’imagine, à tort, que les immigrants illégaux et le libre-échange sont les causes de ses déboires.

Ventre affamé n’a point d’oreilles, dit-on.

Vous, moi et Richard pouvons bien trouver que certaines promesses sont une insulte à la vérité.

Malheureus­ement, nous vivons à une époque où la vérité a toutes les misères à se faire entendre. Chacun construit « sa » vérité. Des

fake news passent pour des vérités. Les théories conspirati­onnistes fleurissen­t comme jamais.

La montée du niveau moyen d’éducation a-t-elle fait baisser la crédulité ? Non.

Mieux encore, quand les promesses sont lancées par des gens qui n’ont jamais gouverné, comme Trump ou la CAQ, elles bénéficien­t de l’indulgence que l’on accorde aux nouveaux venus au nom du « il-nepeut-pas-être-pire-que-ceux-qui-sontlà-depuis-toujours ».

FRANCHISE ?

La vérité brutale est que la vérité est rarement payante en politique. Elle n’est appréciée que par les observateu­rs attentifs et une minorité d’électeurs.

C’est seulement en temps de crise que vous pouvez dire, comme Churchill, que vous n’avez à offrir que « du sang, du travail, de la sueur et des larmes ».

En temps ordinaire, la majorité préfère les belles histoires. Il suffit de savoir les enrober.

La vérité brutale est que la vérité est rarement payante en politique

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