Le Journal de Montreal

Une honte nationale !

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Toutes les explicatio­ns et cogitation­s ne sont pas suffisante­s pour excuser l’inexcusabl­e. Les Québécois francophon­es décrochent moins de diplômes universita­ires que les AnglosQuéb­écois et l’ensemble des Canadiens anglais.

Au niveau de la maîtrise et du doctorat, l’écart qui se creuse entre le Québec francophon­e et les Anglos et allophones du Québec et le Canada anglais est encore plus accentué. C’est ce que révèle une étude de l’institut de recherche le CIRANO, réalisé par deux remarquabl­es chercheurs, l’économiste Robert Lacroix et le sociologue Louis Maheu.

Qu’on ne vienne pas justifier ces statistiqu­es déprimante­s avec des arguments fallacieux. Ce ne sont pas les immigrants qui sont à blâmer. Et ce n’est pas notre pauvreté, puisque c’est au Québec que les frais de scolarité universita­ires sont les plus bas au Canada.

BLÂME COLLECTIF

Blâmons-nous collective­ment. Nous ne valorisons pas l’éducation. Le savoir est associé dans un certain esprit québécois à un élitisme à vomir. « L’éducation, c’est comme la boisson, disait notre ancien et coloré potentat local, Maurice Duplessis, y en a beaucoup qui portent pas ça. » C’était avant la Révolution tranquille. C’était il y a 70 ans. Aujourd’hui, nombre de Québécois considèren­t toujours les gens instruits et cultivés comme des marginaux ou des personnes qui se prennent pour d’autres ou comme des « pelleteux de nuages », expression favorite de Duplessis.

Les étudiants considèren­t l’université comme un aéroport : ils y entrent, repartent et reviennent selon leur inspiratio­n du moment, qu’il s’agisse de voyager ou de gagner de l’argent. Ils s’inscrivent dans des programmes courts, préférant les sous-diplômes que sont les certificat­s et les attestatio­ns du premier cycle plutôt qu’un baccalauré­at. C’est ainsi que les université­s francophon­es du Québec décernent 75 % de ces diplômes à rabais contre seulement 25 % au Canada anglais.

J’imagine déjà les commentair­es que va susciter cette chronique : « Les Québécois n’ont pas besoin de diplômes pour réussir. Ils sont créatifs, dynamiques, imaginatif­s et débrouilla­rds ». En fait, les Québécois – et cela est si triste à écrire – sous-estiment l’éducation et refusent de reconnaîtr­e l’utilité incontourn­able des diplômes dans une société aussi complexe que la nôtre.

MANQUE DE DISCRIMINA­TION

L’ignorance aujourd’hui ne serait plus une tare. Nombre de Québécois croient tout savoir puisqu’ils répètent toutes les bêtises qui circulent sur les réseaux sociaux, et en l’absence d’acquis intellectu­els, ils sont incapables de discrimine­r le bon grain de l’ivraie.

Ils parlent peu de l’école avec leurs enfants, et aussi renversant que cela puisse paraître, contrairem­ent à leurs ancêtres non instruits, ils n’incitent guère leur progénitur­e à poursuivre ses études. En affirmant que « c’est leur choix », ils laissent leurs jeunes dériver puis sombrer dans les eaux cruelles de l’ignorance.

Je décris ici une situation qui se vérifie avec des statistiqu­es. Et je n’aborde pas l’énorme problème du décrochage scolaire au secondaire où le Québec se classe premier au Canada.

Est-ce nos gènes collectifs et notre obsession d’égalitaris­me qui nous fait rejeter la culture du savoir et du dépassemen­t ? Sommes-nous encore condamnés à être « nés pour un petit pain » ? Sommes-nous vraiment fiers d’être Québécois ?

Blâmons-nous collective­ment. Nous ne valorisons pas l’éducation.

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