« L’AMÉRIQUE D’ABORD N’EST PAS L’AMÉRIQUE SEULE »
Résumé d’une semaine agitée en cinq points
Il est venu, il a vu, mais a-t-il convaincu? La venue du président américain a bousculé cette année la routine annuelle des riches et puissants de ce monde, entre débats pleins de bonnes intentions sur les maux de la planète, séances de méditation et soirées clinquantes.
Premier président américain à venir depuis 2000, Donald Trump n’a pas livré la diatribe protectionniste que Davos redoutait. Mais Trump ne serait pas Trump sans controverses : une fois détaché de son télésouffleur, il s’en est pris à la « méchante » presse, suscitant des huées.
AVIS DE TEMPÊTE SUR LE DOLLAR
En matière de devises, un mot peut déclencher une tempête. Ainsi, quand le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin a lancé mercredi que le dollar faible était « bon » pour l’économie américaine. Les marchés y ont vu une déclaration de guerre monétaire et envoyé le billet vert à un plus bas de trois ans face à l’euro. Sapant ainsi la compétitivité des partenaires commerciaux européens, qui ont vivement protesté.
Trump a lui tenté de rétablir le calme en se disant attaché à un dollar « fort », reflétant la vigueur de l’économie américaine.
MACRON, CHOUCHOU DE DAVOS
Il avait déjà conquis les patrons américains en leur offrant un crochet par Versailles sur le chemin de Davos, et mercredi Emmanuel Macron a conforté sa réputation de « chouchou » de Davos.
La salle s’est levée pour applaudir le discours d’une heure, en anglais et en français, du président français qui a réclamé une mondialisation plus « juste ». Le New York Times va jusqu’à estimer qu’il a pris une option sur le titre de « leader du monde libre ».
OURAGAN SUR LES GÉANTS DU WEB
« Leurs jours sont comptés » : le milliardaire George Soros a étrillé les grands noms de l’internet Facebook et Google lors de son traditionnel dîner à Davos. Appelant à réguler ces géants, il a redouté de voir apparaître « un réseau totalitaire ».
Loin de l’euphorie du passé autour de la « tech », Davos a entendu cette année des discours très sombres sur les risques pour l’emploi, la vie privée et la démocratie liés à l’accumulation de données personnelles entre les mains d’un petit nombre de mastodontes.
« Ils ne contrôlent pas seulement l’avenir de l’humanité, ils contrôlent l’avenir de la vie elle-même », a dit Yuval Noah Harari, auteur israélien des best-sellers Sapiens et Homo Deus.
BUSINESS ET BLIZZARD
Les habitués de Davos savent qu’il leur faudra braver chaussées enneigées et trottoirs glissants — les Suisses préfèrent ne pas saler les rues pour protéger l’environnement.
Chaque année, de longues queues s’étirent devant les vestiaires des salles de conférences où les délégués peuvent déposer doudounes et manteaux, et troquer leurs après-ski pour des chaussures de ville ou des escarpins. Mais au début de la semaine, les chutes de neige ont atteint des proportions inédites depuis 20 ans — plus de 1,5 mètre en quelques jours — bloquant de nombreux touristes dans les stations de ski des Alpes suisses.
DAVOS | (AFP) « L’Amérique d’abord n’est pas l’Amérique seule » : Donald Trump a livré hier à Davos un discours tout entier destiné à rassurer les partenaires diplomatiques et commerciaux des États-Unis, ébranlés par ses dérapages passés.
Le président américain, accueilli sur scène par une fanfare, n’a pu toutefois s’empêcher de glisser une critique contre la « méchante » presse, s’attirant des huées dans la salle de 1500 places, remplie de grands responsables économiques et politiques ainsi que de journalistes.
Avant ces propos tenus lors d’un court échange informel avec l’organisateur du Forum économique mondial, Klaus Schwab, il s’en était tenu à un discours écrit sur mesure pour ce grand raout du libéralisme.
« Je ferai toujours passer l’Amérique d’abord, tout comme les dirigeants d’autres pays devraient le faire aussi. Mais l’Amérique d’abord ne signifie pas l’Amérique seule », a-t-il déclaré en référence à son célèbre slogan.
L’ancien magnat de l’immobilier a tenu à « affirmer l’amitié et la coopération des États-Unis pour construire un monde meilleur ».
« C’est un discours mesuré, plat, rationnel, pas du tout ce que l’on pouvait attendre de Donald Trump », a commenté Kishore Mahbubani, ancien ambassadeur de Singapour auprès de l’ONU devenu conseiller de l’université nationale de Singapour.
« Nous sommes en faveur du libreéchange, mais il doit être juste, et il doit être réciproque », a encore dit le président américain, faisant écho aux discours prononcés pendant le reste de la semaine par le président français Emmanuel Macron, par la chancelière allemande Angela Merkel ou par le premier ministre indien Narendra Modi.
LIBRE-ÉCHANGE
Donald Trump va-t-il assouplir sa politique commerciale ? Le président semble en tout cas avoir tendu une perche cette semaine à ses partenaires de l’Asie-Pacifique après les avoir brutalement éconduits il y a un an en se retirant de l’accord TPP.
« Je me joindrais au (traité de libreéchange transpacifique) TPP si nous avions un bien meilleur accord que nous n’avons », a déclaré le président américain dans un entretien à la chaîne américaine CNBC en marge du forum.
« Les déclarations (de Trump) sur le TPP représentent une réelle inflexion », constate Edward Alden, expert au Council of Foreign Relations, alors qu’il y a tout juste un an, le 23 janvier 2017, le président signait un document mettant fin à la participation des États-Unis.
Il s’agissait de sa toute première décision destinée, selon lui, à sauvegarder les emplois américains menacés par le libre-échange.
CONTREPOIDS
Ce traité, vu comme un contrepoids à l’influence grandissante de la Chine qui n’en faisait pas partie, avait été âprement négocié par son prédécesseur Barack Obama et signé en 2015 par 12 pays d’Asie-Pacifique représentant 40 % de l’économie mondiale. Il n’était toutefois pas encore entré en vigueur à l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche.
Pour autant, le retrait américain n’a pas signé sa mise à mort. Cette semaine, les 11 partenaires restants, qui avaient repris le flambeau en faveur de cette vaste zone commerciale, ont annoncé un nouvel accord. Sans les États-Unis.
« Le nouveau TPP, qui doit être signé en mars, a dû vraiment irriter le président » américain, commente Monica De Bolle, spécialiste de la politique commerciale au Peterson Institute for International Economics (PIIE).
D’autant qu’il a été conclu plus rapidement que prévu.
Les 11 partenaires —Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam— avaient bien avancé les négociations en novembre 2017, en marge du forum de l’Asie-Pacifique (APEC) au Vietnam, mais il leur restait quelques différends à résoudre.
ALENA
Le président américain, qui a par ailleurs imposé la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (ALENA) — de nouvelles discussions se déroulent cette semaine à Montréal avec le Canada et le Mexique — est aussi de plus en plus sous la forte pression du monde des affaires qui l’exhorte à ne pas camper sur une politique protectionniste radicale.
La stratégie du Canada, l’un des principaux partenaires commerciaux des États-Unis, pourrait aussi avoir pesé dans l’apparent assouplissement de la position de Washington.
En effet, Ottawa a fait grand cas de son adhésion au partenariat transpacifique cette semaine, tout en rappelant qu’il ne céderait pas aux exigences de l’administration Trump sur le volet ALENA.
La ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland n’a pas hésité à déclarer que le Canada se préparait à l’éventualité d’un retrait américain de l’ALENA en vigueur depuis 1994.
Ottawa martèle en outre que les États-Unis, dont neuf millions d’emplois dépendent du commerce et des investissements avec le Canada, auraient beaucoup à perdre s’ils quittaient l’ALENA.