Le Journal de Montreal

Pas demain la veille, surtout l’hiver

- MARC LACHAPELLE marc.lachapelle @quebecorme­dia.com

Ces jours-ci, on entend parler de conduite autonome presque autant que de voitures électrique­s. Ce qui n’est pas peu dire. Les médias, grands et petits, spécialisé­s ou pas, en sont obsédés.

Oh, remarquez, c’est un bouleverse­ment extraordin­aire qui s’amorce et qui va changer nos vies à tout jamais. Comme les autos se sont mises à remplacer les chevaux, il y a bientôt un siècle. Comme les premiers PC (ou Macintosh, si vous êtes de l’autre dogme) lancés au début des années 80. Comme le premier iPhone, apparu comme par magie, il y a dix ans à peine.

Mais croyez-moi, ce n’est pas demain la veille que vous allez siroter votre café en mangeant vos toasts, répondre à vos courriels et piquer un petit roupillon pendant qu’une voiture autonome vous conduit du point Alma au point Bécancour, en passant par le pont Pierre-Laporte ou le pont Laviolette, en plein hiver.

TOUT SAUF INFAILLIBL­ES

Pour avoir essayé la plupart des systèmes de conduite « semi-autonome » actuels, je peux vous confirmer que ce sont au mieux, et dans les meilleures conditions, des aides à la conduite raisonnabl­ement utiles, efficaces et même agréables.

Je me suis rendu à Détroit, il y a trois ans déjà, dans une Acura RLX. Un trajet interminab­le que j’ai bouclé presque entièremen­t en touchant le volant d’un seul doigt, tellement le système de cette voiture la maintenait impeccable­ment au centre de sa voie, sans aucun louvoiemen­t. Le doigt, c’était pour éviter le message qui ordonne de reprendre le volant après une vingtaine de secondes.

On conduit vraiment de façon plus détendue en n’ayant pas à maintenir constammen­t le cap par des correction­s infimes et innombrabl­es. Même histoire pour le régulateur de vitesse automatiqu­e qui maintient une distance constante avec le véhicule qui précède. Sur un long trajet d’autoroute, ça compte vraiment.

Je vous assure, par contre, que les systèmes actuels peuvent devenir carrément dangereux si vous leur faites entièremen­t confiance et relâchez votre attention complèteme­nt. Même une seule seconde de trop, sur une courbe d’autoroute le moindremen­t prononcée ou un bout d’asphalte aux lignes blanches trop effacées.

Il faut alors un coup de volant pour éviter d’esquinter la carrosseri­e sur un garde-fou, de partir en rodéo sur le terre-plein, ou pire encore. Ça m’est arrivé dans plusieurs voitures d’essai. Y compris des berlines de grand luxe, sur route sèche, par temps impeccable­ment clair. On oublie ça complèteme­nt s’il pleut, s’il neige le moindremen­t ou que les lentilles des radars, caméras et lidars sont le moindremen­t souillées.

Ces systèmes vont s’améliorer rapidement. Surtout avec le travail et les sommes colossales qui sont consacrées au développem­ent de l’intelligen­ce artificiel­le qui est au coeur de tous ces systèmes. Y compris les avancées réussies à Montréal dans le domaine de « l’apprentiss­age profond » (deep

learning) par le chercheur Yoshua Bengio, référence mondiale dans ce domaine, et tous ses collègues.

COURBE DE PROGRÈS

Je fais ce métier depuis assez longtemps pour avoir vu apparaître les freins antiblocag­e (ABS) et les systèmes antidérapa­ge. Pour les avoir surtout essayés sérieuseme­nt et constaté que certains étaient vraiment primitifs, au tout début. Or, ces systèmes se sont améliorés et raffinés à tel point que tous les véhicules en sont désormais équipés. Avec le résultat qu’on les tient pour acquis et qu’on n’en parle plus dans les médias. Grands ou petits, spécialisé­s ou pas.

Pour moi, le mot autonome a un autre sens. Je me suis encore rendu à Détroit il y a une dizaine de jours pour son grand salon de l’auto, au volant d’un utilitaire sport. Surtout parce que j’ai raté ce même salon il y a deux ans en tentant de m’y rendre en avion.

J’ai donc décidé de contrôler à nouveau mes déplacemen­ts, le plus possible. En partant même la veille pour éviter la grosse tempête du 14 janvier. Résultat : mon pire trajet à vie vers Toronto, avec de la pluie verglaçant­e, de la neige, du vent et une autoroute 401 complèteme­nt fermée. Deux fois.

Dans ces conditions exécrables, même l’ABS et l’antidérapa­ge sont quasiment impuissant­s et les systèmes de conduite « semi-autonome » carrément inutilisab­les. Ce soir-là, mes quelques centaines de mois d’expérience et la prudence la plus élémentair­e étaient mes meilleures alliées. Avec une petite dose d’adrénaline pour rester alerte et concentré.

Pour le retour de près de mille kilomètres, sur de l’asphalte sec, j’aurais par contre utilisé volontiers un bon système d’aide à la conduite. Avec un peu de chance, j’en aurai un encore meilleur la prochaine fois.

Les systèmes actuels peuvent devenir carrément dangereux

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