Le Journal de Montreal

La nuit des légendes

- RÉJEAN rejean.tremblay@quebecorme­dia.com TREMBLAY

SHAWINIGAN | Le maire de Shawinigan en avait parlé. Une de ces nuits folles dans le vieil aréna Jacques-Plante. Plus de 3500 personnes entassées par une chaleur suffocante de mai. Même le chef des pompiers avait fini par abandonner. Du monde dans les allées, dans les escaliers, du monde partout.

Patrice L’Heureux, de Shawinigan, et David Cadieux, de Trois-Rivières, s’affrontaie­nt dans le combat des géants. Un des deux serait le roi de la Mauricie. C’était en 2006. Presque 12 ans déjà.

Jonathan Bernier, qui couvrait l’événement pour Le Journal de Trois-Rivières, se rappelle de l’ambiance. Survoltée et surchauffé­e. Jean-Charles Lajoie n’a pas oublié la chaleur et les pannes de courant.

Patrice L’Heureux n’a pas changé. Quand il est entré au bar Le 500 à SaintTite, il a rempli la moitié de la place. Six pieds cinq et proche de 300 livres, c’est toujours impression­nant.

Il est venu nous rejoindre parce qu’il passait derrière le steak house avec son 4x4. À Saint-Tite, c’est pas compliqué de trouver un gars de la place. On l’appelle, il rappelle et il arrive. On attendait Simon Kean pour un tournage, et la présence de Patrice L’Heureux devenait un plus formidable.

Surtout que tout le monde depuis deux jours ne cessait de raconter ses deux combats contre David Cadieux. Que ce soit le maire ou Roger Lavergne, le président des Cataractes, ou l’auteur Bryan Perro, on dirait que personne n’a oublié ce choc des titans.

JE RECOMMENCE­RAIS…

Patrice L’Heureux a repris l’entreprise de granit de la famille. Il est heureux et souriant. Mais quand il se rappelle cette soirée, ses yeux s’envolent. Dans un ailleurs dans le temps,

« C’était tellement fou que ça m’a nui. J’étais dans le vestiaire et j’entendais le vieil édifice trembler sur ses fondations. Je me disais qu’il se passait quelque chose de pas normal. Quand je suis sorti pour me rendre au ring, je suis sorti complèteme­nt de ma bulle. Je paniquais. Je voyais le monde partout, j’entendais les hurlements, je reconnaiss­ais du monde. Je n’étais plus concentré du tout sur le combat. Je ne me suis jamais remis du reste de la soirée de ces moments de délire », raconte L’Heureux.

Il a perdu par knock-out. Il se faisait passer le K.-O. et on aurait dit qu’il ne voulait pas croire ce qui lui arrivait, se rappelle Jonathan Bernier.

Les années ont passé et L’Heureux est maintenant un homme d’affaires prospère. Il aurait des conseils à donner à Simon Kean, qui va se battre à Shawinigan le 10 février contre Alexis Santos. Genre de rester concentré, d’être bien présent dans l’événement, de savoir discerner dans tous ces faux amis que la célébrité apporte à un boxeur.

– Et si Simon t’invitait pour un trois rounds de sparring ?

Il hésite. Oublier la boxe lui a demandé un effort de cinq ou six ans…

– Ça serait plus fort que moi. J’accepterai­s. Et vous voulez savoir, je pense que je m’essayerais pour de vrai.

Autrement dit, il tenterait de secouer le pommier du jeune homme…

LE PETIT ET LE GRAND FRÈRE

C’est là que Simon Kean est arrivé. Quand il a vu Patrice L’Heureux, son visage s’est éclairé d’un grand sourire. Les deux se sont donné une étreinte virile. Quelques minutes plus tôt, Patrice parlait de Simon comme d’un petit frère. À vrai dire, même à 6 pieds 5 pouces et près de 250 livres, Kean avait l’air d’un petit frère à côté de L’Heureux. Deux géants.

Ils ont discuté un bon moment. Parlé de cette soirée devenue une légende et un peu de la soirée du 10 février.

« Cet Alexis Santos, tu dois le prendre très au sérieux. Tu dois savoir que la pression va être sur toi, que tu vas reconnaîtr­e ton monde dans les gradins. C’est jamais facile et il faut être toujours prêt à tout. Dans la boxe, on sait jamais », lui a dit L’Heureux avant de quitter sur son 4x4.

Simon Kean travaille fort pour être prêt. Même que lors de notre passage à Shawinigan, il traînait une lourde fatigue. Et tentait de soigner de vieilles blessures. Il a la mauvaise habitude de commencer lentement ses combats, et contre Santos qui avance constammen­t sur ses adversaire­s, ce n’est pas conseillé.

Simon Kean est mieux de gagner. Parce que le flambeau lui a été transmis un samedi midi à Saint-Tite.

On rit pas…

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PHOTO RÉJEAN TREMBLAY Simon Kean et Patrice L’Heureux se vouent un franc respect mutuel.
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