Le Journal de Montreal

Des policiers-acteurs qui dérangent les vrais acteurs

De plus en plus de membres des forces de l’ordre tirent des revenus de tournages télé comme 19-2 et Unité 9

- ROBERT PLOUFFE

Des comédiens profession­nels se plaignent que de plus en plus de vrais policiers leur « volent » le travail en étant payés pour endosser l’uniforme dans des films et des séries télé.

District 31, 19-2, Unité 9, Victor Lessard, Mémoires vives, Blue Moon, Fugueuse, De père en flic, Bon Cop, Bad Cop : autant de téléséries et longs-métrages policiers qui devraient donner du boulot aux acteurs profession­nels.

Sauf que ces rôles seraient de plus en plus souvent occupés par de vrais agents de la paix.

Notre Bureau d’enquête a recueilli les griefs de huit membres de l’Union des artistes (UDA) et de son pendant anglophone, l’Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA).

Ils ont tous exigé de ne pas être identifiés pour éviter de figurer « sur une liste noire dans ce milieu compétitif ». Nous avons pu confirmer leur identité et leur appartenan­ce à l’UDA.

« Nous sommes des comédiens qui gagnons notre vie avec des troisièmes rôles, des seconds rôles parlés, parfois des premiers, de la figuration, beaucoup de publicités. Mais nous ne sommes plus capables de faire notre job », se plaint un d’entre eux.

SALAIRE, RETRAITE ET ASSURANCES

Uniquement à la Ville de Montréal, 34 policiers se sont déclarés acteurs en 2017, soit six de plus que l’année précédente (voir encadré).

« Ils volent nos jobs, carrément », affirme un comédien profession­nel.

« Eux, ils ont déjà un salaire, une caisse de retraite, des assurances collective­s. Nous, on n’a pas de filet de sécurité, pas droit au chômage et nos assurances collective­s sont en fonction de notre salaire annuel qui ne cesse de baisser », affirme un des acteurs qui a requis l’anonymat.

Les artistes estiment se faire enlever « le pain de la bouche » par des gens qui s’achètent « des chalets, des condos en Floride », qui envoient « leurs enfants dans des camps de soccer en Italie », etc. « C’est ce dont ils discutent entre les tournages. »

ILS ONT LEUR AGENCE

Au banc des accusés, selon les artistes que nous avons rencontrés : l’agence Police Action, spécialisé­e dans les scènes policières. Cette agence est dirigée par le policier à la retraite Richard Champagne.

« [Les producteur­s] lui demandent de leur envoyer cinq, dix, vingt policiers pour un tournage. Et l’agence fait appel à de vrais policiers plutôt qu’à des comédiens ».

Joint au téléphone, M. Champagne nous a dit pouvoir compter sur une banque de plus de 200 policiers.

« Les production­s québécoise­s comme les production­s américaine­s veulent des scènes d’action crédibles. Quand vient le temps de dégainer, pointer une arme, passer des menottes, la meilleure chose, c’est d’engager des vrais policiers qui sont devenus membres de l’UDA et de l’ACTRA », nous a-t-il confié.

Police Action touche 10 % des cachets de ses membres. Dans une lettre qui leur a été adressée à la fin de l’année dernière et dont nous avons obtenu copie, M. Champagne précise que l’agence a contribué à plus de 75 production­s l’an dernier.

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PHOTO D’ARCHIVES, BEN PELOSSE Cette scène de la série 19-2 a été tournée en décembre 2013. Le réalisateu­r Podz fait appel à plusieurs véritables policiers en tant qu’acteurs.

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