Le Journal de Montreal

Retour en arrière pour le PQ

- LISE RAVARY lise.ravary@quebecorme­dia.com

Il y a un an, Jean-François Lisée recevait le rapport préliminai­re Oser repenser le PQ de son conseiller spécial au renouvelle­ment, Paul Saint-Pierre Plamondon. Un effort pour « reconnecte­r avec la jeunesse », le parti étant perçu comme « figé, conservate­ur et vieillissa­nt ».

Disons que l’audacieux rapport brassait la cage. Il a choqué plusieurs militants de longue date. S’il n’a pas été expresséme­nt tabletté, on ne peut dire qu’un vent de rajeunisse­ment balaie le PQ depuis sa publicatio­n.

Pas quand le chef ramène l’ex-député de Vachon, le vénérable psychologu­e Camil Bouchard, 77 ans, pour en faire son conseiller en politiques familiales, un enjeu au coeur de la stratégie péquiste.

L’ÉTAT BIENVEILLA­NT

Monsieur Bouchard est l’auteur d’Un Québec fou de ses enfants, publié en 1991. La société a beaucoup changé depuis, mais son discours, non : hors de l’État et de la gratuité mur-à-mur, point de salut. Il rêve du retour de « l’État bienveilla­nt ». Misère. Les moins de 40 ans ont une vision différente de l’État. Oser repenser

le PQ l’exprime ainsi : « Les jeunes croient moins à l’interventi­on de l’État… » Ce n’est pas tout. « Certains participan­ts ont fait valoir que les Québécois ont décroché de l’idée de progrès social, l’idée selon laquelle un gouverneme­nt peut et doit améliorer la qualité de vie de la population. »

Aujourd’hui, le progrès social s’articule surtout autour des droits des minorités.

L’ÉTAT MUR À MUR

Le PQ veut recréer un « État fort ». Ce qui fera tressailli­r d’espérance les boomers nostalgiqu­es des années 70, majoritair­es dans les assemblées, qui se souviennen­t de l’époque bénie où l’État, occupé à bâtir le Québec moderne, n’était pas encore étouffant et surendetté.

Avec cette approche, Jean-François Lisée s’adresse à des électeurs qui croient encore que l’argent tombe du ciel et que le contribuab­le est ravi de remettre jusqu’à la moitié de sa paie au gouverneme­nt en échange de services, même quand la qualité n’est pas au rendez-vous.

Des gens qui croient que l’État fait mieux les choses que le privé, malgré toutes les preuves du contraire sous notre nez.

Amenez-en des fonctionna­ires, des syndicats, des conditions de travail chromées inaccessib­les au commun des mortels, des programmes, des subvention­s. Des déficits. Comme dans le bon vieux temps.

Faut croire que l’austérité versions Lucien Bouchard et Philippe Couillard n’ont pas fait assez mal. Si rien ne change… Les sondages disent que les Québécois veulent plus de services, mais payer moins d’impôts. C’est le règne de la pensée magique.

Contrairem­ent aux pays scandinave­s, qui rénovent constammen­t leur social-démocratie pour assurer sa survie – abolition du salaire minimum, fin de la sécurité d’emploi dans la fonction publique, baisses des impôts des entreprise­s, décentrali­sation, services donnés par le privé, mais payés par l’État – au Québec, réformer est utopique.

Je comprends que la tentation est forte pour un PQ en mode survie de promettre à sa base un retour aux années glorieuses, propositio­n moins périlleuse qu’un saut dans l’inconnu, droit devant. Et puis, comme disent les Anglais, « le diable que vous connaissez est préférable au diable que vous ne connaissez pas ».

Mais les plus jeunes embarquero­nt-ils ?

Un « État » fort, un « État bienveilla­nt », est-ce bien le rêve des moins de 40 ans ?

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Camil Bouchard et Jean-François Lisée
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