Le Journal de Montreal

Fatima Houda-Pepin

- FATIMA HOUDA-PEPIN Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère fatima.houda-pepin@quebecorme­dia.com

Hier, 6 février, c’était la Journée internatio­nale de tolérance zéro à l’égard des mutilation­s génitales féminines (GMF).

La première fois que j’ai entendu parler d’excision et d’infibulati­on, j’étais étudiante à l’Université Laval, en 1975.

Je faisais un travail d’équipe, quand, au hasard d’une conversati­on, un de nos collègues, d’origine africaine, nous a lancé, dans un éclat de rire, que sa femme ne pouvait pas le tromper.

Il nous a expliqué qu’il avait pris la précaution de l’infibuler avant de quitter son pays pour le Canada. Ainsi, il était sûr qu’il sera véritablem­ent le père de ses enfants.

UNE PRATIQUE QUASI UNIVERSELL­E

C’est en consultant une encyclopéd­ie à la bibliothèq­ue, immédiatem­ent après, que j’ai pris conscience de la souffrance que pouvaient endurer des millions de femmes qui subissent de tels sévices.

Mais c’est surtout en écoutant les témoignage­s de femmes africaines qui endurent dans leur chair cette violence extrême au Kenya, en Égypte et au Mali que j’ai pris la mesure de leur détresse et du tabou qu’elles portent au fond d’elles-mêmes.

Des pratiques qui remontent à la nuit des temps, en Afrique, en Asie, en Océanie, en Europe et en Amérique.

Leurs origines remontent au temps des pharaons. Elles continuent de prévaloir encore aujourd’hui, dans une quarantain­e de pays, principale­ment en Égypte et dans certains pays du MoyenOrien­t, et surtout dans bon nombre de pays d’Afrique au sud du Sahara (28 au total).

Bien que les mutilation­s génitales féminines se soient ancrées dans plusieurs cultures et traditions, leur géographie coïncide avec celle de certains pays musulmans. Car, pour perpétuer des pratiques aussi atroces, il n’y a que la volonté divine pour « anoblir » un acte aussi barbare et aussi préjudicia­ble pour l’intégrité physique et psychologi­que des femmes.

Sauf que rien dans le Coran ne mentionne ni ne justifie ou ne recommande l’excision ou l’infibulati­on. Il faut remonter à la période préislamiq­ue pour en trouver les traces.

Au Royaume-Uni, c’est dans des hôpitaux psychiatri­ques que ces pratiques avaient cours, comme « antidote » à la masturbati­on des filles, et jusqu’au 19e siècle, aux États-Unis, une société savante y voyait « l’ablation des organes où siégeait le diable ».

DES PETITS PAS QUI COMPTENT

En Europe et en Amérique du Nord, les MGF vont faire leur apparition, dans les années 1970, à la faveur des mouvements migratoire­s.

En France et au Royaume-Uni, où les pouvoirs publics ont longtemps fermé les yeux sur ces atrocités, c’est à coups de manchettes médiatique­s et de procès retentissa­nts qu’on a fini par admettre la gravité du problème.

Au Canada et au Québec, le sujet a longtemps été gardé sous silence, avant que ne remontent à la surface des cas de femmes immigrante­s excisées dans leurs pays d’origine ou de fillettes qui l’ont été ici ou durant leurs vacances à l’étranger.

Des institutio­ns publiques, notamment en matière de santé et de services sociaux, ont été confrontée­s à ces cas problèmes : des femmes excisées ou infibulées nécessitan­t des soins particulie­rs, surtout lors de complicati­ons liées à la grossesse et à l’accoucheme­nt.

On peut se réjouir que l’article 268 du Code criminel ait été modifié, en 1997, pour interdire « l’excision, l’infibulati­on ou la mutilation totale ou partielle » des organes génitaux féminins, mais beaucoup de travail reste à faire en matière d’éducation, de sensibilis­ation, de prévention et de formation profession­nelle des intervenan­ts.

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Rien dans le Coran ne mentionne ni justifie ou recommande l’excision ou l’infibulati­on.

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